La Moldavie est à un tournant de son histoire. En l’espace de quatre ans, le pays s’est débarrassé d’un pouvoir « oligarchique » qui avait capturé les institutions, puis d’un pouvoir prorusse soumis au Kremlin qui aidait Moscou à maintenir l’ancienne république soviétique sous son emprise. Dirigée pour la première fois depuis son indépendance par une majorité absolue sincèrement pro- européenne, dont le symbole est la présidente Maia Sandu, la Moldavie se retrouve désormais prise au tragique jeu de la survie face à la guerre impériale menée par la Russie. Et cela, tout en essayant de tourner à son avantage les opportunités offertes par les bouleversements en cours…
« Je ne souhaite à personne d’avoir à gérer autant de crises en même temps », soupire Sergiu Lazarencu. D’autant que, « quand on est arrivé aux affaires, on n’imaginait pas à quel point les institutions étaient faibles », ajoute ce jeune député du Parti action et solidarité (PAS), au pouvoir. Énumérons-les, ces crises : énergétique d’abord, provoquée par Gazprom dès octobre 2021 (1) dans un contexte où la Moldavie dépendait totalement du gaz russe ; une crise économique ensuite, engendrée par la hausse des prix de l’énergie et la guerre en Ukraine, important partenaire économique de Chisinau ; une crise sociale provoquée par l’énorme inflation (plus de 30 % en moyenne), qui plonge une partie de la population du pays le plus pauvre d’Europe dans un situation très difficile ; une crise politique, enfin, alimentée par les partis prorusses qui tentent de faire porter le chapeau de la crise sociale au gouvernement, omettant volontairement la responsabilité de Moscou. Sans parler de la menace sécuritaire latente que représente la province séparatiste de Transnistrie, où 2 000 soldats russes sont stationnés.
« Les dirigeants du PAS n’étaient pas prêts pour une si grande responsabilité », estime Angela Grămadă, chercheuse spécialiste de l’espace ex-soviétique. En effet, à l’image de Sergiu Lazarencu, le PAS est un jeune acteur politique. Fondé en 2016, le parti emmené par Maia Sandu a pris le pouvoir en trois temps entre les législatives de 2019, la présidentielle de 2020 et les législatives anticipées de 2021, c’est-à-dire très rapidement — trop rapidement pour accumuler une véritable expérience gouvernementale. Et le parti souffre, comme les institutions moldaves, comme le pays en général, d’un cruel manque de ressources humaines. La faute aux salaires : des ministres démissionnent car leurs 900 euros par mois ne suffisent pas à faire vivre leur famille. La faute à l’exode, qui saigne la Moldavie d’année en année : la population du pays a fondu de 40 % en trente ans, passant de 4 à 2,6 millions d’habitants. Environ un million de Moldaves vivent aujourd’hui à l’étranger, en majorité en l’Europe de l’Ouest. Ils ont pesé lourd aux élections en faveur de Maia Sandu et du PAS, et ils envoient de l’argent à leurs proches restés au pays, mais ils ne sont pas physiquement là pour faire tourner la boutique.
Et pourtant, avec si peu d’expérience et après seulement …
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