Thomas Hofnung — La guerre en Ukraine dure depuis un an et demi. La Chine n’est-elle pas la grande gagnante de cette crise déclenchée par la Russie en février 2022 ?
François Heisbourg — Il faut tout d’abord souligner qu’entre la Russie et la Chine il s’agit d’un partenariat et non pas d’une alliance en bonne et due forme. Ce partenariat a été noué il y a vingt-cinq ans, à la fin des années 1990 (1). C’est la force, mais aussi la limite, de ce pacte. Dans une alliance, chacun vole au secours de l’autre s’il a un problème avec un pays X ou Y. Dans le cas de l’Ukraine, si une telle alliance avait existé, la Chine aurait envoyé non seulement des armes, mais aussi, le cas échéant, un contingent de forces pour alléger la charge militaire de Moscou.
Disons-le clairement : la Chine n’a pas d’intérêt particulier en Ukraine, donc elle laisse les mains libres à la Russie pour y faire ce qu’elle veut. De même, si Pékin veut mener des actions contre l’Inde le long de l’Himalaya, le Kremlin ne va pas s’y opposer. Nous sommes en présence d’un partenariat qui se caractérise par une forte résilience, de la souplesse et une grande adaptabilité. Pour toutes ces raisons, il a peu de chances d’exploser. Cela explique aussi pourquoi il est très difficile de détacher la Chine de la Russie, contrairement à ce qu’espérait Emmanuel Macron. Ce constat est valable dans l’autre sens : en 2019, le président français avait tenté de détacher la Russie de la Chine, sans plus de succès. Tout simplement parce que ce partenariat a de bonnes raisons d’être. Il est bâti sur l’existence d’un ennemi commun : les États-Unis au plan géostratégique, et l’Occident démocratique au plan idéologique. Mais ennemi commun ne veut pas dire identité générale des intérêts. C’est un ciment solide qui unit la Chine et la Russie, du moins tant que ces deux pays demeurent des dictatures.
T. H. — Diriez-vous que les Occidentaux se font des illusions quand ils plaident auprès de Xi Jinping pour qu’il aide à mettre un terme au conflit en Ukraine ?
F. H. — Xi Jinping est parfaitement capable d’apprécier ce que sont ses propres intérêts. Il n’a pas besoin de Paris pour les lui expliquer ! Il est clair que les Chinois n’ont pas envie de subir des sanctions secondaires de la part des États-Unis, notamment sur le plan économique, quand bien même Washington est l’adversaire commun de Moscou et de Pékin. L’économie chinoise est en effet confrontée à de grands défis. Cela rend Pékin prudent.
T. H. — Comment la Chine tire-t-elle profit de la situation actuelle ?
F. H. — La Chine a très bien semé, et à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elle est très active sur le plan diplomatique. Aux yeux du monde, elle n’apparaît pas comme une puissance ajoutant la guerre à la guerre. En quelques semaines, elle a reçu à Pékin Olaf Scholz, Emmanuel Macron, Lula... Après les …
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