Il appartenait au camp du maintien dans l’Union européenne, mais il a accepté le verdict des urnes et décidé de continuer à servir son pays. Pour Ben Wallace, Brexit ou pas, l’Europe reste davantage qu’un continent. Elle est à la fois un projet et un ensemble de valeurs qu’il faut défendre pour maintenir l’unité des partisans de l’ordre international bâti après la Seconde Guerre mondiale. Cet ancien officier de l’armée britannique de 57 ans a joué un rôle-clé dans la mise en forme et l’accélération de l’aide militaire occidentale à l’Ukraine pendant les semaines qui ont précédé l’agression russe. Et, depuis, il ne cesse de hausser le ton face au Kremlin dont il compare la politique à celle de Hitler.
Pour Politique Internationale, ce baron du parti conservateur, qui pourrait bien viser plus haut, a accepté d’évoquer les menaces auxquelles sont confrontées les démocraties face à la Russie et à la Chine et de décrire les coopérations — surtout avec la France — qui permettront d’y répondre.
François Clemenceau — Dans votre discours au mémorial britannique de Ver-sur-Mer pour les cérémonies du 6 juin, vous avez longuement parlé de l’Ukraine (1). Pourquoi ?
Ben Wallace — En juin 1944, la communauté internationale a rassemblé ses forces pour permettre à des centaines de milliers de soldats — britanniques, américains, canadiens, polonais, français et d’autres nations — de débarquer sur les plages de Normandie pour vaincre le nazisme. La grande leçon de cette histoire, c’est que toute nation a besoin d’amis et d’alliés. C’est bien ce qui manque aujourd’hui à la Russie, qui ne peut compter que sur la Biélorussie. À l’époque, nous nous battions pour nos valeurs. Or aujourd’hui, malheureusement, un régime totalitaire se comporte comme l’Allemagne nazie : il viole la souveraineté d’autres peuples sur leurs terres, il réécrit l’Histoire, il met en place des camps de filtration, il bombarde à l’aveugle des zones de population civile. J’étais à Kiev à la fin mai lorsque les sirènes ont retenti, les mêmes sirènes qu’entendaient les Britanniques lorsque les V1 et le V2 allemands partaient des côtes françaises pour s’écraser sur leurs villes. Les Ukrainiens se battent pour survivre et défendre leur pays. Ce qui se passe là-bas est une leçon pour Poutine. Nous lui disons clairement : « La communauté internationale n’est pas de votre côté, vous devez partir d’Ukraine. »
F. C. — La différence avec 1944, c’est que les alliés de l’Ukraine ne vont pas intervenir directement avec leurs soldats sur le territoire ukrainien…
B. W. — C’est exact. Mais cela n’a pas empêché la communauté internationale de mettre à disposition de l’Ukraine un volume d’aide considérable au cours des seize derniers mois (2). Certes, nous n’avons pas de soldats sur place mais mon pays, comme le vôtre, ne fournissent pas seulement des armes à l’Ukraine : nous formons ses militaires. L’an dernier, le Royaume-Uni a formé 10 000 soldats ukrainiens et ils seront 20 000 en 2023. Vous avez aussi des Canadiens, des Australiens, des Néo-Zélandais et des Lituaniens qui entraînent des troupes ukrainiennes sur notre sol.
F. C. — Pourquoi le Royaume-Uni était-il en pointe dans ce domaine dès 2014, après l’annexion de la Crimée ?
B. W. — Nous avons lancé l’opération Orbital en 2015. Elle a rassemblé à nos côtés la Suède, qui à l’époque n’était pas encore candidate à l’Otan, le Canada et les États-Unis. Cette opération a permis à l’armée ukrainienne de se doter de réelles capacités de défense tout en s’exerçant régulièrement avec nous. Le Royaume- Uni a aussi joué un rôle de nation-cadre pour aider l’Ukraine à rebâtir sa marine, car les Russes avaient volé l’essentiel de la flotte ukrainienne en prenant possession de la Crimée (3). Ce processus était conçu pour s’inscrire dans la durée. Personne de sensé ne peut raisonnablement penser que cette aide était destinée à provoquer qui que ce soit. Ailleurs en Europe, les gens oublient qu’entre 2014 et 2022 les Russes avaient déjà tué 18 000 personnes et que, chaque semaine, sur cette …
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