Il sera peut-être l’an prochain président de la Finlande, un poste dont les prérogatives permettent essentiellement d’orienter la politique étrangère et de défense tout en garantissant la protection des valeurs de la société (1). Pour le reste, c’est le gouvernement — réunissant aujourd’hui la droite et l’extrême droite — qui gère et qui réforme. Dans l’entretien qu’il a accordé à Politique Internationale, Jussi Halla-aho estime que ces étiquettes appartiennent au monde d’avant. Mais il assume le qualificatif de populiste tant qu’il n’est pas synonyme de démagogue. Valeurs familiales traditionnelles, nationalisme anti-immigration, anti- gauchisme, mais également hostilité frontale à la Russie qui a précipité la Finlande dans les bras de l’Otan après l’invasion de l’Ukraine : sur tous ces sujets, le Parti des Finlandais qu’a présidé Jussi Halla-aho et dont il demeure l’un des plus vibrants porte- parole tient des discours souvent à l’opposé du politiquement correct qui lui valent régulièrement des accusations de racisme et de sexisme. S’il est vrai que le président du Parlement, ex-bloggeur des plus populaires, a été condamné en justice pour avoir soutenu que l’islam est « une religion de pédophiles » et que le vol à l’arraché était un « trait génétique » des Somaliens, son ton est devenu aujourd’hui moins péremptoire (2). À l’entendre sur l’état des lieux de la vie politique finlandaise, la social-démocratie scandinave et nordique ne ressuscitera pas, car les formations de droite et du centre ont compris qu’il fallait s’associer avec l’extrême droite pour gouverner. Un modèle qui, au-delà de l’Italie, pourrait inspirer le reste de l’Europe…
F. C.
François Clemenceau — Par le passé, le nom de votre mouvement politique a souvent été traduit, en anglais comme en français, par « Parti des vrais Finlandais ». Y a-t-il derrière cette appellation l’idée que certains citoyens méritent leur identité nationale et d’autres non ?
Jussi Halla-aho — L’expression « vrais Finlandais » n’a jamais été utilisée officiellement pour traduire le nom de notre parti (3). Mais ce n’est qu’en 2015, lorsque le parti s’est dénommé « Parti des Finlandais », que ce problème a été réglé. Cette notion de « vrais Finlandais » était connotée et ne reflétait pas le mot finnois « Perussuomalaiset ». « Perus » signifie en fait « ordinaire ». Nous cherchions à nous démarquer de l’élite et nous nous revendiquions populistes. Pour nous, le populisme a toujours consisté à redonner la voix au peuple, aux citoyens que les partis traditionnels n’écoutent pas.
F. C. — Cela signifie-t-il que votre parti cherche à parler à tout le monde ou uniquement aux classes moyennes et aux couches défavorisées de la population ?
J. H. — Nous voulons être le parti du peuple et donc, d’abord, des classes populaires, des classes moyennes à revenu intermédiaire, des ouvriers comme des employés. Pas des élites financières ou culturelles. Ce qui fait que ce nom de « Parti des Finlandais » colle plus exactement à la réalité démographique du pays (4).
F. C. — Parvenez-vous, malgré tout, à faire la différence entre « populaire » et « populiste » ?
J. H. — Lorsque vous êtes au pouvoir, votre politique peut être populiste même si elle n’est pas populaire. L’inverse est également vrai. Ce sont pour moi deux notions très différentes. Le populisme ne doit pas consister à voir de quel côté le vent tourne et à suivre l’air du temps dans l’espoir d’être populaire, quitte à renier ses convictions les plus profondes. De ce point de vue, nous sommes le moins populiste des partis finlandais. La preuve, c’est que notre plateforme et nos idées sont restées les mêmes depuis des années tout simplement parce que nous pensons qu’elles reflètent la réalité. Cela peut vous sembler naïf ou idéaliste, mais c’est la vérité.
F. C. — Y a-t-il une version positive du populisme ?
J. H. — Oui, l’autre interprétation du populisme est bien plus positive. Elle consiste à penser que les citoyens ordinaires n’ont pas à ressentir les choses ou à les affronter en fonction de ce que l’élite leur demande de croire. Les gens ont le droit d’avoir leur opinion. Ils doivent aussi avoir la possibilité de faire entendre cette opinion sur toute l’étendue du champ démocratique et jusqu’au Parlement. Or, à gauche, on considère encore que c’est à l’élite d’éduquer le peuple, de lui livrer un véritable prêt-à-penser comme si cette gauche avait les bonnes réponses à toutes les questions qui traversent la société, comme si elle était devenue avec le temps la gardienne de la vérité.
F. C. — Assumez-vous, par conséquent, d’être de droite ou …
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