Les Grands de ce monde s'expriment dans

Suède : tour de vis sur l'immigration

Née en 1981, originaire de Scanie, la province du sud de la Suède, Maria Malmer Stenergard occupe, depuis le 18 octobre 2022, le poste de ministre de l’Immigration dans le gouvernement de coalition dirigé par le conservateur Ulf Kristersson. Juriste de formation, elle a milité au sein des Jeunes conservateurs avant d’être élue députée en 2014. Elle détient l’un des portefeuilles ministériels les plus importants pour la coalition — composée des conservateurs, des libéraux, des chrétiens-démocrates et des Démocrates de Suède (extrême droite, SD) — qui a remporté les élections, le 11 septembre 2022, sur la promesse d’un changement de paradigme en matière de politique migratoire.

A.-F. H.

Anne-Françoise Hivert — La coalition à laquelle vous appartenez, et qui gouverne avec le soutien de l’extrême droite, a été élue sur la promesse de durcir radicalement les conditions d’accueil. Pourquoi est-ce nécessaire ?

Maria Malmer Stenergard — Je pense que les Suédois en général— et c’est ainsi que nous sommes connus dans le monde depuis toujours — sont un peuple libéral, ouvert et qui, au cours de son histoire, est venu en aide aux personnes qui fuyaient leur pays et avaient besoin d’une protection. Nous avons aussi accueilli la main-d’œuvre étrangère. Mais la Suède a longtemps été un pays d’émigration. Si l’on remonte en arrière, ce n’est que dans les années 1950 que nous avons commencé à devenir une terre d’immigration, avec l’arrivée de ressortissants des pays voisins, qui venaient chez nous pour travailler. La plupart étaient originaires de Finlande, de Scandinavie, de Hollande et d’Allemagne. Des pays proches de nous géographiquement, culturellement et religieusement. Ces immigrants arrivaient sur un lieu de travail et s’intégraient immédiatement. Puis, dans les années 1980 et 1990, on a assisté à l’arrivée de demandeurs d’asile, en nombre assez important, venant de pays relativement éloignés, d’Afrique et du Moyen-Orient, avec une religion et une culture différentes, et souvent — je généralise un peu — un autre niveau d’éducation. Ce changement aurait nécessité une politique d’intégration d’une tout autre ampleur. Au lieu de cela, la Suède a continué sur sa lancée. Nous nous attendions à ce que le problème se résolve de lui-même parce que nous y étions habitués. Ce qui n’a pas été le cas. Et puis est arrivée la vague des réfugiés, qui a culminé en 2015 après une immigration très forte les années précédentes.

A.-F. H. — Que s’est-il passé ?

M. M. S. — Il est alors devenu évident pour beaucoup de gens que le système était grippé. L’immigration a affecté le fonctionnement des écoles, le logement, et généré un sentiment d’insécurité. Je pense que si la Suède veut continuer à être un pays ouvert, il faut que les Suédois aient le sentiment que l’intégration marche. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Il n’existe pas de véritable plan en ce sens. Et jusque très récemment, nous avions beaucoup moins d’exigence que la plupart des pays. Nous considérions plutôt que c’était aux Suédois de s’adapter à la culture des nouveaux arrivants. On ne peut plus continuer ainsi. Les gens doivent évidemment pouvoir venir avec leur culture ; mais nous devons exiger d’eux le respect des valeurs fondamentales et des principes démocratiques libéraux sur lesquels repose notre société, ainsi que l’apprentissage du suédois et une autonomie financière. Il faut des mesures fortes en

faveur de l’intégration. Et pour qu’elles puissent produire des effets, l’immigration doit baisser drastiquement pendant un certain temps.

A.-F. H. — Quand votre parti en a-t-il pris conscience ? En 2014, dans un discours désormais célèbre, le leader des conservateurs et premier ministre de l’époque, Fredrik Reinfeldt, appelait les Suédois à « ouvrir leurs cœurs » aux réfugiés…

M. …