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Israël : une guerre sans fin ?

Michel Taubmann — Le 7 octobre 2023, Israël a perdu en quelques heures plus de 800 civils et quelque 300 soldats. Par surcroît, ce jour-là, environ 240 personnes ont été prises en otages. On a souvent comparé cette attaque-surprise à celle du 6 octobre 1973 menée par les armées arabes coalisées derrière l’Égypte et la Syrie. Quels sont les points communs entre la guerre de Kippour et celle de Gaza, dite de Sim’hat Torah ?

Jacques Neriah — Le principal point commun, évident, absolu : l’effet de surprise provoqué par les deux attaques au petit matin d’un jour de fête religieuse — Kippour en 1973, Sim’hat Torah en 2023 — quand l’armée et le pays sont assoupis.

Deuxième point commun : dans les deux cas, l’ennemi a franchi une barrière que nous considérions comme infranchissable. En 1973, il s’agissait du canal de Suez qui devait arrêter l’armée égyptienne. En 2023, c’est la barrière de Gaza sur laquelle nous avions tout misé, comme les Français avant 1940 avec leur ligne Maginot. Cette barrière nous avait coûté 2,5 milliards de dollars ! Elle représentait le summum de la sophistication avec des caméras d’observation à la pointe de la technologie, des « guetteuses », ces soldates appartenant à une unité féminine de combat spécialisée dans la surveillance des frontières, qui observaient jour et nuit le moindre mouvement suspect. Ces jeunes femmes ont donné l’alerte comme l’avaient fait en 1973 des officiers subalternes. Et, comme eux, elles n’ont pas été prises au sérieux.

D’autres signaux d’alarme, plus anciens, existaient. Par exemple, le rapport rédigé l’été dernier par une femme sous- officier de l’unité 8200. Tout ce qui allait se produire le 7 octobre, ou presque, y figurait ! Ce rapport a été complètement méprisé par le commandant de son unité. En a-t-on eu vent à un échelon supérieur ? Je ne saurais le dire. En tout cas, le mail contenant ce rapport n’était pas confidentiel : il a été largement diffusé à tous les membres de l’unité 8200, beaucoup de gens en avaient donc connaissance. Autre erreur : il y a quelques années, Aviv Kokhavi, alors chef d’état-major, a décidé de dissoudre l’unité « Open Sources Intelligence » qui, depuis des décennies, épluchait comme son nom l’indique les « sources publiques d’information », à savoir la presse écrite et audiovisuelle. Le lieutenant-général Kokhavi considérait que c’était vieillot et qu’il valait mieux augmenter les moyens de la cyber-surveillance. Résultat : alors que le déroulement des attaques du 7 octobre était annoncé quelques jours auparavant par des chaînes satellitaires regardées dans tout le monde arabe et que la télévision du Hamas avait même diffusé une fiction d’anticipation très conforme aux événements à venir, nous n’avons rien su, rien vu de ce qui s’étalait en grosses lettres sur un mur devant nous ! Au nom de la même obsession de la modernisation, nous avons abandonné les écoutes de la fréquence talkie-walkie que les dirigeants du Hamas utilisaient pour communiquer entre eux. Comme en 1973, ces nombreux signaux …