Politique Internationale — L’État d’Israël est-il, à terme, menacé dans son existence ? L’éradication du Hamas suffira-t-elle pour assurer la pérennité d’Israël ?
Alain Finkielkraut — Il y a quelques années déjà, le romancier David Grossman écrivait : « Tragiquement, Israël n’a pas réussi à guérir l’âme juive de sa blessure fondamentale : la sensation amère de ne jamais se sentir chez soi dans le monde. » Au lendemain du 7 octobre 2023, cette blessure est à vif. Un immense pogrom a eu lieu dans le pays créé pour mettre un terme à l’âge des pogroms. Les miliciens du Hamas ont affiché leur volonté génocidaire. Afficher, c’est bien le mot, car à la différence des nazis qui dissimulaient la solution finale ils ont, eux, filmé et exhibé leurs « exploits ».
Les Israéliens sont évidemment traumatisés par cet événement dont rien ne laissait prévoir l’ampleur et l’atrocité. Mais Israël n’a pas été fondé pour rien, et le responsable du Shin Bet a cité l’exemple de l’attentat des Jeux olympiques de Munich en 1972 (1) pour que l’on comprenne bien qu’il n’y aura jamais d’impunité pour les massacreurs.
Cela prendra du temps, a-t-il reconnu, mais ils seront punis les uns après les autres.
Quant à savoir si la pérennité d’Israël sera assurée après une victoire que l’on espère définitive sur le Hamas, personne ne peut en être sûr car, depuis le 7 octobre, l’opinion arabo-musulmane se déchaîne. On pourrait y voir une solidarité explicable avec la population de Gaza. Mais pourquoi cette solidarité ne s’est-elle jamais manifestée en faveur des Ouïgours qui, en Chine, sont l’objet d’une véritable politique d’éradication ? La réponse est simple. L’ennemi du Hamas, c’est l’État juif. Ainsi, c’est moins la solidarité avec la Palestine opprimée qui joue que la haine du Juif, que ce soit à Casablanca, à Tunis ou dans tous les autres pays arabo-musulmans, et c’est terrible à constater. Parce que cette haine forcenée dispense ces États et leurs populations de prendre à bras- le-corps les problèmes qui les accablent. L’extrémisme religieux, la corruption, l’absence de liberté sont oubliés au seul profit de la détestation d’Israël.
Et puis l’opinion occidentale aussi est touchée. Il y a eu des manifestations monstres à Berlin, à Londres et à Madrid.
P. I. — Toutes ces manifestations traduisent-elles une volonté de voir Israël rayé de la carte ?
A. F. — J’estime que le processus de délégitimation d’Israël entamé dès le lendemain de la guerre des Six Jours s’achève sous nos yeux. Il y avait dans les années 1960 une émission de télévision qui s’appelait « Le quart d’heure d’Emmanuel d’Astier ». Emmanuel d’Astier, une personnalité flamboyante de la Résistance, un intellectuel progressiste, a déclaré, le 21 octobre 1967, en parlant d’Israël, que c’était un empire romain. Et, ajoutait-il, les empires romains sont fragiles et durent peu. Les territoires conquis pendant la guerre des Six Jours faisaient basculer Israël dans une nouvelle dimension. Le sionisme avait voulu répondre à l’antisémitisme par la géographie. Tous ceux qui attribuaient aux …
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