Les Grands de ce monde s'expriment dans

Le déclin de l'Occident n'est pas une fatalité

L’Occident a dominé le monde de la fin du XVe siècle au début du XXIe siècle, exportant sa puissance, ses institutions, ses modes de production et ses idées sur tous les continents. Trois mouvements de mondialisation ont porté cette expansion : les Grandes découvertes du XVIe siècle ; la colonisation au XIXe siècle ; l’effondrement de l’empire soviétique et l’universalisation du capitalisme à la fin du XXe siècle. Loin de marquer son triomphe, cette troisième mondialisation s’est retournée contre l’Occident. Pour avoir cédé à la démesure, il s’est vu profondément déstabilisé et a perdu le contrôle de l’histoire du monde, pris en tenailles entre sa crise interne, le défi des empires autoritaires, la montée du Sud global et le changement climatique. Le XXIe siècle marque ainsi l’entrée dans l’âge de l’histoire universelle, mais celle-ci semble désormais placée sous le signe de la désoccidentalisation.

En 1918 déjà, dans une Allemagne en ruine, Oswald Spengler avait annoncé le déclin de l’Occident sous l’effet des dérèglements du capitalisme, du déracinement des masses, de la chute de sa vitalité et de la perte de ses valeurs. Son jugement s’est révélé exact pour l’Europe, qui s’est suicidée avec les guerres du XXe siècle, qu’elle a engendrées et qui l’ont détruite matériellement et spirituellement. En revanche, il a été démenti par les États-Unis qui jouèrent un rôle décisif dans la victoire des démocraties lors des trois grands conflits mondiaux, en 1918, en 1945 et en 1989, et qui ont relevé avec succès les défis de l’Allemagne hitlérienne, du Japon nationaliste puis de l’Union soviétique.

À travers les États-Unis, l’Occident s’est donc réinventé, particulièrement en 1945 qui vit la création d’un ordre mondial inspiré par ses valeurs et ses règles, la conversion de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon à la démocratie, la mise en place d’une stratégie d’endiguement efficace de l’Union soviétique. Il semble, à l’inverse, se défaire au XXIe siècle.

Un déclin multiforme

Les pays occidentaux ne comptent, en effet, plus que 1,3 milliard de citoyens sur les 8 milliards d’hommes qui peuplent la planète. Le décollage du Sud a réduit le poids du G7 de 75 % à 45 % du PIB mondial depuis 1975, l’Asie (35 % du PIB mondial) produisant désormais plus que les États-Unis (25 %) ou l’Union européenne (16,5 %). Le Pacifique, porté par la formidable émergence de la Chine, s’affirme depuis 2010 comme la principale source de croissance et la première zone commerciale du monde. La Chine et l’Inde figurent parmi les cinq premières économies de la planète et ambitionnent de retrouver le premier rang qui fut le leur avant la révolution industrielle, à une époque où elles représentaient chacune le quart du PIB mondial.

Le déclin économique relatif de l’Occident est allé de pair avec la crise de la démocratie et l’enchaînement des guerres perdues d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie et du Sahel qui ont délégitimé ses principes, affaibli sa puissance et compromis son influence.

La démocratie a connu un fort recul, qu’il s’agisse du nombre des nations libres, …