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Le Qatar, médiateur en eau trouble

 

La guerre entre le Hamas et Israël a jeté une lumière crue sur les relations entre le Qatar et le mouvement islamiste palestinien. En réalité, les liens entre Doha et cette organisation, inscrite sur la liste noire des États-Unis et de l’Union européenne, sont anciens, même si beaucoup les ont découverts à l’occasion de l’attaque du 7 octobre 2023 contre l’État hébreu.

Les Frères musulmans et le Qatar

Depuis 2012, l’émirat héberge le bureau politique du mouvement islamiste et ses dirigeants, comme Ismaël Haniyeh, Moussa Abou Marzouk ou encore Khaled Mechaal. Ce dernier a d’ailleurs commencé sa carrière comme instituteur à Doha. Il fait même partie des proches de l’ex-émir Hamad, l’homme du miracle qatarien et père de l’actuel émir Tamim. Cette intimité peut s’expliquer par une connivence idéologique avec les Frères musulmans, dont le Hamas est la branche palestinienne, qui ont prospéré au Qatar.

Les militants de la confrérie sont arrivés d’Égypte après la répression brutale de Nasser à partir du milieu des années 1950. L’un d’entre eux, le cheikh Youssef Qaradaoui, deviendra l’incarnation des Frères musulmans au Qatar et leur porte-drapeau médiatique au sein d’Al-Jazeera dans les années 2000. Son émission religieuse

« La Charia et la vie » fera de lui le « pape » de l’islam politique militant, tant sa popularité fut immense dans le monde arabo- musulman. Ingénieurs, docteurs, enseignants, ces cadres fréristes égyptiens ont participé à l’édification de l’État qatarien, rejoint par des Palestiniens dispersés après la guerre des Six Jours de juin 1967, notamment pour la construction du système d’enseignement primaire et universitaire.

Au moment des printemps arabes de 2011, Doha apporte son soutien médiatique, financier et diplomatique, parfois militaire, à la vague de révolutions qui emporte Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte et Kadhafi en Libye. Mais l’émirat aide surtout les Frères musulmans arrivés au pouvoir et soutient l’opposition islamiste contre Bachar el-Assad en Syrie. Doha rêve de devenir la capitale du nouveau monde arabe, né sur les ruines des anciennes dictatures. 2012 marque l’apogée de la lune de miel entre le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2006, et le Qatar. Cette année-là, cheikh Hamad, accompagné de son épouse, la très glamour cheikha Moza, accomplit une visite historique dans le territoire palestinien. À l’époque, il avait promis 400 millions d’investissements pour l’enclave palestinienne, en particulier des quartiers d’habitation. Depuis lors, un diplomate qatarien réside en permanence à Gaza City pour distribuer une aide mensuelle d’environ 30 millions de dollars à l’administration du Hamas et aux familles les plus pauvres (allocations de 100 dollars).

L’arrangement avait reçu le feu vert d’Israël, satisfait de cette perfusion financière permettant d’éviter une explosion sociale, et qui, de son côté, accordait environ 20 000 permis de travail aux Gazaouis.

En signant les accords d’Abraham avec les Émirats arabes unis et Bahreïn en octobre 2021, l’État hébreu pensait avoir réglé la question palestinienne pour de bon. Ne restait plus qu’à normaliser avec l’Arabie saoudite de Mohammed Ben Salmane… Avec l’attaque du Hamas …