Isabelle Lasserre — En quoi la guerre entre Israël et le Hamas affecte-t-elle l’Ukraine ?
Olga Stefanichyna — Rien n’a fondamentalement changé pour l’Ukraine. Nous continuons toujours à nous battre contre la barbarie russe. Nous continuons à souffrir de l’agression russe. Et nous conservons le même objectif : libérer entièrement notre pays et en chasser définitivement les forces russes. Ce but n’a en rien été affecté par le nouveau conflit au Proche-Orient. Ce qui a changé, en revanche, c’est la moindre attention portée par nos alliés occidentaux à ce qui se passe en Ukraine. C’est comme si l’Europe et l’Otan avaient brusquement oublié que la guerre se déroule à leurs frontières, sur lesquelles pèse la menace militaire de la Russie. Toute l’attention occidentale, celle des dirigeants mais surtout celle des médias, s’est déportée en quelques jours sur le conflit Israël/Hamas et ses atrocités. Nous comprenons, bien sûr, que c’est le monde réel. Mais, d’un point de vue humain, nous avons le sentiment que nos souffrances ne sont plus que des titres de journaux qui peuvent disparaître du jour au lendemain. Nous compatissons avec la douleur du peuple israélien depuis le 7 octobre, comme nous comprenons la nécessité que justice lui soit rendue. Mais une guerre doit-elle à ce point en effacer une autre ? Je ne le crois pas. D’autant que la guerre qui sévit en Ukraine ne concerne pas seulement l’Ukraine. C’est aussi une guerre livrée par la Russie contre l’Otan et contre l’Union européenne. Et si l’armée de Vladimir Poutine n’est pas directement engagée sur le territoire de l’UE, c’est bien parce que l’Ukraine assure, pour les Européens, un rôle de dissuasion vis- à-vis de l’agresseur russe.
I. L. — Depuis l’échec de la contre-offensive, certains dirigeants occidentaux considèrent qu’il est temps pour l’Ukraine d’envisager des négociations avec la Russie. Qu’en pensez- vous ?
O. S. — C’est toujours la même histoire et c’est agaçant ! L’annexion brutale de la Crimée, il y a dix ans, avait provoqué un choc dans le monde occidental. Mais, au bout de quelques mois, l’attention était retombée et l’Ukraine s’était laissé imposer un processus de négociations, avec les accords de Minsk, qui n’a absolument rien résolu. La même émotion a accompagné l’invasion russe de février 2022. Et aujourd’hui, la même fatigue lui succède de la part des Occidentaux, avec les mêmes demandes qui n’aboutiront à rien puisque de toute façon Vladimir Poutine ne veut pas négocier et ne veut pas se retirer de l’Ukraine. Nous avons compris qu’il nous faut compter avant tout sur nous-mêmes et sur nos propres forces.
Plusieurs initiatives ont été prises. D’abord, le format Ramstein (1), qui garantit la durabilité du soutien militaire. Il sera opérationnel et demeurera quels que soient l’instabilité du monde et le résultat des diverses élections en Occident. Le deuxième point fort, c’est le statut de candidat à l’Union européenne qui a été accordé à l’Ukraine. À cette occasion, les pays européens ont promis qu’ils seraient à nos côtés « aussi longtemps qu’il le …
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