Jakub Iwaniuk — Vous êtes arrivé au ministère des Affaires étrangères il y a six mois, après huit années d’isolement de la Pologne sur la scène internationale due à la politique du parti nationaliste Droit et Justice (PiS). Sera-t-il facile de tourner la page ?
Radoslaw Sikorski — Le parti de Jaroslaw Kaczynski a en effet considérablement contribué à dégrader nos relations avec les institutions européennes et nos principaux alliés. Nos rapports avec la France et l’Allemagne en ont souffert. À certains moments, nos prédécesseurs sont même entrés en conflit avec les États-Unis, l’Ukraine et Israël. C’était une politique contraire à nos intérêts vitaux, car la Pologne ne peut pas se permettre de s’enfermer dans une rhétorique anti-occidentale. C’est une des raisons pour lesquelles le PiS a été chassé du pouvoir. Nous réalisons désormais un audit de ces politiques. Mon objectif est de restaurer la modernité, le professionnalisme et surtout le caractère apolitique du corps diplomatique. La Pologne est de retour sur la scène internationale où elle entend s’affirmer comme un partenaire constructif.
J. I. — À peine le PiS est-il écarté du pouvoir en Pologne que le Rassemblement National, un parti idéologiquement proche, émerge en France comme une force avec laquelle il faut compter. Comment voyez-vous l’évolution des rapports de force en Europe si le RN devait, un jour, arriver au pouvoir ?
R. S. — Ces partis nationalistes et populistes ont de nombreux points en commun : une certaine fascination pour la force, une hostilité envers la diversité, le culte du chef… Ce qui les différencie, c’est que certains ont peur de Poutine, comme ici en Pologne, alors que d’autres lui empruntent de l’argent, comme le Rassemblement National. Cela dit, d’après ce que je comprends, le parti de Mme Le Pen a beaucoup évolué, par exemple sur la question de l’appartenance à la zone euro. Il ne faut pas regarder seulement le passé des forces politiques, mais aussi leur trajectoire.
J. I. — Même si elle a provisoirement échoué dans sa tentative visant à placer l’un des siens à Matignon à l’issue des législatives anticipées, ne craignez-vous pas une influence négative de l’extrême droite française sur le conflit en Ukraine et la situation sécuritaire dans la région ?
R. S. — Plutôt que de me livrer à des spéculations, je préfère juger sur des faits et des actes. La France est une vieille puissance diplomatique où le président de la République joue un rôle prépondérant et qui, indépendamment de la couleur de son gouvernement, s’appuie sur des valeurs solides dans la conduite de sa politique étrangère et de sécurité. Nous espérons donc que, quoi qu’il arrive, ses principales orientations stratégiques concernant l’Otan et l’Union européenne seront maintenues.
J. I. — Le président Macron ressort considérablement affaibli de cette séquence politique. Cette nouvelle configuration aura-t-elle des conséquences sur les relations bilatérales ?
R. S. — La France a une culture stratégique qui la conduit à envisager l’Union européenne comme une entité géopolitique et pas seulement marchande. C’est une vision qui est proche de …
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