Cet entretien a été accordé à Politique Internationale peu de temps avant que Jean-Noël Barrot ne soit nommé ministre des Affaires étrangères.
Politique Internationale — En matière européenne, quelles sont vos références politiques et intellectuelles ? Y a-t-il un homme d’État que vous admirez particulièrement, qu’il soit vivant ou mort ?
Jean-Noël Barrot — Il y a bien sûr les pères fondateurs de l’Europe qui surent trouver dans l’un des moments les plus difficiles de notre histoire la force d’âme nécessaire pour surmonter le ressentiment et choisir, au contraire, la réconciliation, la démocratie et la paix. Je citerai aussi certaines figures de la vie intellectuelle française, comme Jacques Maritain ou Emmanuel Mounier, qui ont largement contribué à inspirer, en France et en Europe, cette génération de responsables politiques qui ont sauvé le continent des périls dans lesquels il était englué. Par la suite, d’autres responsables politiques ont perpétué cet héritage : Jean Lecanuet, Simone Veil, François Bayrou et, plus récemment, Emmanuel Macron. Vous connaissez la phrase de Jean Monnet : rien n’est possible sans les hommes, mais rien n’est durable sans les institutions. On n’en retient souvent que la deuxième partie pour justifier l’organisation politique de l’Europe, seule capable de pérenniser l’esprit initial des pères fondateurs. Personnellement, j’aime à m’attarder sur la première partie : rien n’est possible sans les hommes. De ce point de vue, les innombrables citoyens européens qui, au travers des comités de jumelage, des associations transfrontalières, des groupes d’amitié, font vivre au quotidien l’esprit européen, contribuent à leur mesure et à la place qu’ils occupent à cultiver cet esprit dont nous avons tant besoin face aux menaces qui guettent l’Europe.
P. I. — Parmi les dirigeants politiques que vous avez rencontrés en tant que ministre de l’Europe, y en a-t-il un qui vous a particulièrement impressionné par sa vision, même si ses convictions ne coïncident pas avec les vôtres ?
J.-N. B. — Je citerai évidemment Kaja Kallas, la première ministre estonienne — qui vient d’être nommée à la tête de la diplomatie européenne — parce qu’elle a contribué au réveil géopolitique de l’Europe face à la menace de Vladimir Poutine. Je pense également à Edi Rama, le premier ministre albanais, qui a réussi à entraîner son pays sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne. Cet exemple nous rappelle que, pour ces pays candidats à l’UE, l’enjeu principal est moins celui du rattrapage économique et social — certes très important — que celui qui touche à l’intime des peuples : se conformer à l’article premier du contrat européen qui exige le respect des libertés fondamentales et de l’État de droit.
P. I. — Vous avez dit un jour que l’Europe était un rempart. Mais un rempart contre quoi ?
J.-N. B. — C’est une assurance-vie pour la planète, pour la démocratie et contre les grands risques qui nous attendent. D’abord pour la planète, parce que nous vivons aujourd’hui les conséquences dramatiques du dérèglement climatique. Il suffit de regarder, en France, la situation du Pas-de-Calais touché par des inondations à répétition ou celle des …
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