Isabelle Lasserre — Entre Kamala Harris et Donald Trump, pour qui voteriez-vous en novembre prochain ?
Ingrida Simonyte — C’est une question qu’on me pose souvent, mais je ne pense pas avoir le privilège de pouvoir choisir à la place des Américains… Beaucoup dépendra de l’équipe qui entourera le ou la locataire de la Maison-Blanche, des personnalités qui seront nommées aux différents postes. Je dois avouer que nous partagions certaines positions de Donald Trump lorsqu’il était président. Bien sûr, l’homme est celui qu’il est, c’est-à-dire un peu problématique. Mais ses critiques vis-à-vis de l’Europe, qui vit depuis trop longtemps à l’abri des garanties de sécurité américaines, étaient justes. Et elles le resteront, quel que soit celui ou celle qui sera élu. C’est brutal, mais c’est la réalité : l’Europe doit se prendre en charge, investir sérieusement dans le domaine militaire, reconstruire son industrie de défense. Bref, changer profondément. Comment, sur ce sujet, donner tort à Donald Trump ?
En revanche, quand je l’entends affirmer qu’il va « faire un deal » en 24 heures avec Poutine, je n’y crois pas. Sauf, bien sûr, si cet accord était obtenu au prix d’une capitulation de l’Ukraine, ce qui pour nous serait le pire des cauchemars, car Poutine pourrait alors reconstituer ses forces armées avant d’attaquer à nouveau. Pour finir de répondre à votre question, il est crucial que la prochaine administration américaine, quelle qu’elle soit, continue à s’intéresser à l’Europe et à la considérer comme une priorité géopolitique. Dans le cas contraire, c’est Poutine qui en tirerait les bénéfices.
I. L. — Pensez-vous que la guerre en Ukraine se trouve aujourd’hui à un tournant décisif ?
I. S. — Il est difficile d’émettre des jugements qui ne soient ni trop optimistes ni trop pessimistes. C’est ce que nous avons fait depuis le début de l’invasion en affirmant au gré des évolutions militaires que l’Ukraine était en train de gagner ou au contraire, quelques mois plus tard, qu’elle était en train de perdre. Il faut éviter de sur-réagir, dans un cas comme dans l’autre. Certaines choses n’ont pas changé, comme la détermination des Ukrainiens à défendre leur pays. Mais l’issue de la guerre dépendra de la manière dont nous les aiderons. Il est normal que les Ukrainiens soient parfois désespérés, quand ils voient leurs infrastructures énergétiques détruites par les Russes et qu’ils ne savent pas à quoi va ressembler leur hiver. Il faut aussi comprendre que la Russie est un pays qui fonctionne différemment des démocraties. Poutine peut investir de façon illimitée dans son armée au détriment de sa population sans rencontrer la moindre opposition. Il peut à loisir mépriser la volonté des gens et concentrer tous les investissements du pays dans l’industrie miliaire et dans tout ce qui est lié à la guerre. Mais, d’un autre côté, la Russie fait face à d’importants problèmes économiques. Vladimir Poutine peut-il continuer ainsi aussi longtemps qu’il le souhaite ? Je ne le crois pas. Sa situation est en fait assez compliquée. Il est confronté à un dilemme : doit-il ou non décréter une …
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