Au commencement était un pape « du bout du monde », le premier pape latino-américain de l’histoire, un dénommé Jorge Mario Bergoglio. C’est cet homme, l’ancien archevêque de Buenos Aires, qui apparaît au balcon de Saint-Pierre au soir du 13 mars 2013. Dès le premier jour de son règne, le nouvel évêque de Rome rebaptisé François en hommage au Poverello d’Assise invoque « une Église pauvre pour les pauvres » tout en mettant le cap au Sud, un Sud global. Première destination à son agenda : Lampedusa, un lieu symbole de ces « périphéries à la fois géographiques et existentielles » qui sont appelées à devenir des centres, tandis que les centres seront au contraire relégués aux périphéries.
Plus de onze ans après ce premier acte programmatique du pontificat de François, force est de reconnaître que la visite pontificale effectuée à Ajaccio, le 15 décembre dernier, en semble un prolongement direct, sinon même peut-être un aboutissement.
L’heure paraît en tout cas venue, en assemblant les diverses étapes de l’action originale de François dans sa gestion des affaires du monde, de déceler l’architecture générale du projet d’influence géopolitique de l’Église auquel il s’est attelé. Que peut-on observer ? Avec quels résultats ? Repositionnée sur des pôles entièrement nouveaux, la diplomatie chrétienne que le pape incarne au plus haut niveau jouit-elle d’atouts réels face aux conflits actuels, et quels sont-ils le cas échéant ? Quid de ce que l’on a coutume de désigner comme le « soft power » du Vatican ? Quelles sont ses caractéristiques et ses priorités actuelles, alors que l’Argentin placé sur le trône de Pierre est parfois qualifié de péroniste de gauche, voire de marxiste, et qu’il est surtout de plus en plus fréquemment accusé de céder aux sirènes des non-alignés ? Quels signaux faibles l’Église nous adresse-t-elle en matière de diplomatie mondiale depuis Rome ou depuis tous ces endroits dans le monde où agissent d’autres de ses discrets agents ? Et enfin, quel est, dans tout cela, le pari de François lui-même ?
Ajaccio vaut bien une messe
Périphérique, la préfecture de Corse du Sud l’est assurément. Surtout si on la compare à Paris, où le Souverain pontife était invité à participer à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, les 7 et 8 décembre 2024. Il en aurait été l’hôte de marque aux côtés des époux Macron, de Donald Trump, d’Elon Musk, de Volodymyr Zelensky, etc. Mais, déclinant l’invitation du président français, il accepte celle de l’évêque d’Ajaccio, le cardinal François Bustillo, à se rendre dans ce diocèse à peine quelques jours plus tard. L’alibi officiel de cette escale de huit heures sur l’île de Beauté ? Un colloque sur la religiosité populaire. Oser préférer la Corse à Notre-Dame ? L’affaire ne passera pas inaperçue « sur le continent »... « François, le pape qui déteste la France et la liberté », titre même alors un grand hebdomadaire de la presse nationale. Ce média n’est pas le seul à se ranger à cette ligne très anti-François. Sur les réseaux sociaux, la colère monte. « La fille aînée de l’Église pue-t-elle le camembert ? », s’interrogent avec amertume certains catholiques.
Certes, la …
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