Les Grands de ce monde s'expriment dans

Wokisme et relations internationales

Pourquoi une idéologie née sur les campus et vouée à la promotion de la justice sociale aurait-elle un effet sur les affaires du monde ? Parce que la vision d’un monde à « décoloniser » s’est propagée partout, des organisations internationales aux entreprises transnationales en passant par les diplomaties nationales et les ONG. Elle a été adoptée par une génération qui ne perçoit plus les relations internationales qu’à travers les prismes déformants des questions de climat ou de genre.

Le wokisme n’est pas la foucade passagère de quelques mauvais universitaires qui n’ont pas compris Foucault, Deleuze ou Derrida ; c’est une vague totalitaire mondiale d’abolition du jugement, du sens moral et du courage d’affronter la réalité. Elle déferle en provenance de l’intérieur et de l’extérieur, des universités et des réseaux sociaux, des organisations internationales et des ONG. Les régimes autoritaires et les fanatismes religieux l’ont déjà instrumentalisée. C’est à la fois le ferment de destruction des valeurs autour desquelles construire l’humanité, le meilleur moyen d’attiser la haine de la civilisation occidentale et l’instrument d’un formidable recul de l’État de droit et des libertés.

La perception du monde

Le wokisme impose une lecture puérile des relations internationales en termes de « bons » et de « méchants » dont les effets transparaissent dans la politique étrangère des États-Unis.

Un nouveau monde postcolonial

Les wokes (c’est-à-dire les « éveillés » aux injustices) ne considèrent les relations entre États que sous l’angle des luttes contre les inégalités raciales et sexuelles, et des impératifs de ce qu’ils nomment la « justice environnementale et climatique » [1]. Pour eux, les théories réaliste, libérale ou constructiviste des relations internationales « reposent sur des fondements intellectuels raciaux et racistes » car « la race n’est pas une perspective des relations internationales, c’est un élément central de l’organisation de la politique mondiale [2] ». Seule est valide la théorie postcoloniale selon laquelle le décolonialisme libérera le monde de la domination blanche.

Les wokes récusent la possibilité de comprendre d’autres civilisations, l’existence d’actes observables et de faits qualifiables en droit, d’intérêts fondés sur des calculs rationnels ou de systèmes de pensée et de valeurs concurrentiels. À l’inverse, ils valorisent « toutes les émotions traditionnelles […] : la sympathie pour les marginaux, l’indignation face au sort des opprimés, la détermination à redresser les torts historiques » [3]. La realpolitik, la négociation, les compromis, les concessions, la résolution de conflits en surmontant la confrontation leur sont inacceptables ; en d’autres termes, ils sont les ennemis de la diplomatie parce qu’elle est « l’antidote à la culture de l’annulation [4] » et qu’elle érige des ponts entre les civilisations.

Soit les événements peuvent être interprétés par la théorie postcoloniale, soit ils n’existent pas. Ainsi le racisme antijaponais explique-t-il la politique américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, le racisme anti-asiatique (sic et non la crainte du communisme) la création de l’Otan et le racisme antimusulman, la « guerre contre le terrorisme » [5]… Tous les conflits hors d’Europe sont réduits à l’héritage du colonialisme. La guerre en Ukraine ? Tantôt une agression réduite à l’expression du colonialisme russe, tantôt une sorte …