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La diplomatie contre la force ?

 

Isabelle LasserreAvant même que Donald Trump ne s’installe à la Maison Blanche, certains dossiers, comme celui du Proche-Orient, avaient commencé à bouger. Aujourd’hui, la plupart des dirigeants étrangers tendent à redéfinir leur politique étrangère en fonction des annonces du nouveau président américain. N’est-ce pas la preuve que la fermeté et le rapport de force poussés à l’extrême permettent d’obtenir des résultats ?

Jean-Noël Barrot — Cela fait maintenant sept ans que l’Union européenne se prépare, sous l’impulsion française, à entrer dans un monde régi par la loi du plus fort, en développant son industrie de défense, en se dotant d’instruments de défense commerciale, en faisant croître sa capacité budgétaire et financière. Plus récemment, des discussions ont eu lieu au sein de l’UE, et certaines de mes équipes sont allées à Washington rencontrer les responsables de l’administration américaine avant qu’elle n’entre en fonctions. La leçon de l’histoire très récente, c’est que ce sont la diplomatie et la négociation, plus que la brutalité et la force, qui ont permis de mettre fin aux hostilités au Liban et à Gaza.

I. L.Il y a quand même eu la guerre avant la diplomatie…

J.-N. B. — Précisément. Mais la guerre s’est interrompue, au Liban, grâce aux efforts persévérants et inlassables des diplomates français et, à Gaza, grâce à l’action des Qatariens et des Égyptiens. La diplomatie n’a donc pas dit son dernier mot.

I. L.Selon vous, quels sont les véritables objectifs de Poutine dans le conflit ukrainien ? Se projette-t-il au-delà de la seule Ukraine ? Si oui, quelles seraient ses prochaines cibles ? 

J.-N. B. — Vladimir Poutine inscrit son action dans une logique d’empire qui, par définition, n’a pas d’objectifs fixes. Il considère les frontières comme des variables d’ajustement. De fait, la ligne de front n’a cessé de se rapprocher de l’Union européenne. Face à une Russie impérialiste qui ne s’arrêterait pas à l’Ukraine, il nous faut bâtir une architecture de sécurité européenne susceptible de dissuader la menace et d’éviter que la ligne de front progresse encore davantage.

I. L.Plus concrètement, quels pays pourraient être visés après l’Ukraine ?

J.-N. B. — Il suffit d’écouter les pays du flanc oriental de l’UE pour comprendre qu’ils se sentent aujourd’hui très directement menacés. À raison puisque, qu’il s’agisse des pays baltes ou de la Finlande, leurs frontières physiques ont été directement prises à partie, ciblées par la Russie. Que l’on parle de la Pologne, qui a subi des vagues instrumentalisées de migrants, ou de la Moldavie et de la Géorgie, qui ont fait l’objet de pressions insoutenables de la part de la Russie de Vladimir Poutine, on voit la menace grandir à l’Est.

I. L.Un compromis qui laisserait à Poutine au moins une partie des fruits de son offensive serait-il acceptable ? Ne serait-ce pas une « prime à l’agression » ?  

J.-N. B. — Une défaite de l’Ukraine serait effectivement une prime à l’agression, une violation historique du droit international et une invitation à envahir leurs voisins lancée à tous …