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Grégory Rayko — Vous séjournez régulièrement en Ukraine où vous échangez, notamment, avec de nombreux militaires de premier plan. Comment vos interlocuteurs ukrainiens ont-ils perçu la victoire à la présidentielle américaine de Donald Trump ?
Xavier Tytelman — Première chose : dès le mois d’août, la plupart des Ukrainiens avec lesquels je suis en contact me disaient déjà qu’ils étaient pratiquement certains que Trump gagnerait… et que ce ne serait pas nécessairement une catastrophe pour leur pays. Son discours leur plaisait parce que, déjà à l’époque, il proclamait qu’il imposerait un cessez-le-feu et qu’il serait intraitable avec le camp qui n’en respecterait pas les termes.
G. R. — Comment analyser ses prises de parole sur le dossier ukrainien depuis sa victoire ?
X. T. — Il a soufflé le chaud et le froid. D’une part, il a sous-entendu que les Ukrainiens étaient en tort dans toute cette histoire et qu’ils avaient un peu mérité de se faire agresser par la Russie. Et, d’autre part, il a dit que le soutien militaire américain à l’Ukraine était maintenu, que c’était Moscou qui refusait la paix, que Poutine était en train de détruire son pays et que lui, Trump, n’hésiterait pas à mettre en place un certain nombre d’outils qui permettront d’accélérer l’effondrement économique de la Russie. On l’a vu tout récemment avec les annonces autour de l’OPEP, par exemple : Trump a pressé l’Arabie saoudite de réduire le prix du pétrole afin de faire baisser les revenus russes. Et puis, il y a la question des avoirs russes gelés…
G. R. — C’est-à-dire ?
X. T. — Jusqu’à maintenant, on a prélevé sur les avoirs russes gelés aux États-Unis uniquement la partie qui correspond aux profits que cet argent génère chaque année. Ces profits sont ensuite mis à disposition des Ukrainiens, qui utilisent cet argent pour acheter du matériel à l’étranger. Le dernier prêt américain à l’Ukraine consenti dans ce cadre s’élevait à environ 12 milliards de dollars, une forme d’avance sur les dividendes à venir. Récemment, Volodymyr Zelensky a suggéré de saisir, non pas seulement les profits, mais la totalité de ces sommes qui s’élèvent à quelque 300 milliards de dollars. Le président ukrainien a proposé un deal aux Américains : prenez ces 300 milliards de dollars, prêtez-les-nous et nous les dépenserons en équipements militaires made in USA. En Ukraine, cette idée suscite de grandes espérances. Pour que ce deal se réalise, Trump devrait s’asseoir sur le droit international, qui interdit la saisie des avoirs gelés ; mais il en est tout à fait capable, car il sait que cet argent représenterait un coup de boost formidable pour l’industrie militaire américaine.
G. R. — Si ce deal se réalisait, si les Ukrainiens obtenaient une telle somme pour s’équiper auprès des États-Unis, dans quelle mesure l’équilibre des forces changerait-il ?
X. T. — Ce serait un « game changer » en termes d’équilibre militaire, c’est une certitude. Ce serait supérieur aux 265 milliards de dollars d’équipements militaires nécessaires à une victoire franche de l’Ukraine sur le Russie, comme l’avait défini les …
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