Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'échiquier syrien

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Depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, la Syrie est devenue un terrain de confrontation entre Israël et la Turquie. Ankara se considère comme le parrain du gouvernement transitoire et exerce sur le pays une forme de protectorat. À la faveur de la guerre à Gaza, le président Erdogan se présente en champion de la cause palestinienne[1] et multiplie les déclarations enflammées à usage domestique qui incite la presse partisane à appeler l’armée turque à s’impliquer directement dans la défense de l’enclave[2]. Au point que certains observateurs israéliens voient dans la Turquie une menace équivalente à celle de l’Iran. Dans ce contexte tendu, il n’est pas sûr que les pourparlers actuels sur un éventuel accord de sécurité entre Israël et la Syrie, entamés à Paris en août dernier, aboutissent dans un proche avenir.

La Turquie en Syrie

C’est sur des territoires certes syriens mais sous contrôle turc qu’est née en 2017 l’entité créée par Ahmed al-Charaa, Hayat Tahrir al Cham (HTC), auparavant branche d’al-Qaïda. Cette entité était la force dominante au sein du gouvernorat d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Les Kurdes, qui composaient l’essentiel de la population de la province, avaient été chassés par les interventions turques et remplacés par des « déplacés internes »[3], civils sunnites et rebelles djihadistes islamistes contrôlés par la Turquie. C’est d’Idlib que sont parties les forces de HTC qui, presque sans avoir à combattre, ont précipité la fuite de Bachar al-Assad le 8 décembre 2024. La Turquie a été le premier pays à reconnaître la légitimité du gouvernement d’al-Charaa. En accueillant Erdogan à la Maison Blanche le 25 septembre 2025 Donald Trump déclarait, en référence au nouveau pouvoir syrien, « [M. Erdogan] a pris le contrôle de la Syrie et il ne veut pas s’en attribuer le mérite. Vous savez, tous ces gens sont ses auxiliaires ». Le président américain a pris soin de rappeler qu’il avait levé les sanctions contre la Syrie — prises au temps de Bachar al Assad — à la demande d’Ankara. Il a affirmé : « L’avenir de la Syrie est entre les mains d’Erdogan. » C’est à l’occasion de cette visite que le président américain a déclaré son opposition au projet israélien d’annexer la Cisjordanie... un peu comme s’il exprimait par là sa considération envers son homologue turc.

Ankara n’est pas prête à abandonner sa position de protecteur autoproclamé de la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères turc Hakan Fidan ne rate pas une occasion pour affirmer que son pays n’autorisera aucune action susceptible de porter atteinte à l’intégrité territoriale de son voisin. De fait, Ankara et Damas multiplient les accords de coopération militaire et économique. À son retour de Chine, où il a participé au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, le président Recep Tayyip Erdogan a déclaré début septembre que « la Turquie et la Syrie ne toléreront aucune tentative de déstabilisation ».

1) Les visées de la Turquie en Syrie sont d’ordre politique, militaire et économique

Visées politiques

Neutraliser les Kurdes du nord syrien faisait …