Les Grands de ce monde s'expriment dans

Poutine s’arrêtera-t-il ?

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Isabelle LasserreLe dernier sommet de l’OTAN, qui s’est tenu à La Haye en juin 2025, a été une déception pour les Ukrainiens. Quant aux Européens, ils y ont multiplié les signes de soumission vis-à-vis de Donald Trump. Vous qui êtes l’une des voix les plus écoutées dans l’est de l’Europe avez déclaré : « Cela aurait pu être pire ». Qu’entendiez-vous par là ?

Gabrielius Landsbergis — J’ai le sentiment que jamais les attentes des participants n’avaient été aussi faibles. Tout le monde craignait que Donald Trump fasse ou dise quelque chose qui entraînerait la fin de l’Alliance et que la réunion se termine très mal. Finalement, le pire a été évité, mais avec le recul je me demande s’il y a vraiment lieu de s’en réjouir...

I. L.Et quelle est votre réponse ?

G. L. — Nous avons gagné une bataille contre Trump. En tout cas, nous ne l’avons pas perdue. Je ne suis pas sûr, pour autant, que nous soyons prêts pour la véritable bataille, celle que nous devons livrer contre Poutine. Beaucoup d’efforts ont été déployés pour apaiser le président américain, pour qu’il se sente le bienvenu. Pendant le sommet de l’OTAN, le secrétaire général Mark Rutte a été très généreux avec lui (1). Mais la décision d’augmenter les budgets de la défense à 5 % du PIB était-elle réellement nécessaire ? Le problème, c’est qu’à ce stade nous ne savons pas comment la mettre en œuvre. Tous les pays comprennent-ils ce que cela implique ? La Pologne oui sans doute, car elle était déjà depuis longtemps à 4 %. De nombreux États situés à la frange orientale de l’Europe disent qu’ils tiendront leur promesse, et je pense que c’est possible. Mais si vous prenez l’Espagne ou la Belgique, le doute est permis. Ces pays sont beaucoup moins volontaires en matière de défense et de réarmement. La question est donc de savoir si la décision de La Haye correspond à un véritable engagement ou s’il ne s’agit que d’un simple document qui restera lettre morte. En fin de compte, les deux vertus de ce sommet auront été de rassurer Trump et de montrer que l’Alliance atlantique fait quelque chose… Pour certain, c’est déjà un résultat appréciable. Mais se traduiront-elles par la création de nouvelles capacités qui nous permettront de sortir de la situation d’impasse dans laquelle nous nous trouvons ? Ou allons-nous, comme d’habitude, nous contenter d’affirmer, sans le faire, que nous dépensons plus, que nous produisons plus, que nous sommes mieux défendus ? Pour l’instant, nous n’avons pas la réponse.

I. L.Que pensez-vous du récent changement de pied de Donald Trump, qui a promis de livrer davantage d’armements à l’Ukraine et affirme qu’il a été « déçu » par Poutine ? S’agit-il selon vous d’un vrai revirement ?

G. L. — Je ne parlerais pas si vite d’un « revirement ». Il semble plutôt que les États-Unis ne voient pas ce que leur apporterait une victoire ukrainienne et qu’ils n’aient aucune intention de s’engager aux côtés de Kiev. Depuis l’annonce de Donald Trump, tout le monde …