Ancien premier ministre de l’État d’Israël (1999-2001), ministre de la Défense pendant près de dix ans, ancien chef d’état-major et soldat le plus décoré de l’armée israélienne, Ehud Barak porte un regard aiguisé sur les dernières épreuves vécues par son pays et sur la guerre menée depuis contre le Hamas à Gaza.
Pour ce farouche partisan de la paix, qui n’a jamais vraiment quitté la scène politique intérieure, les attaques du 7 octobre sont non seulement le pire massacre qu’ait connu l’État d’Israël depuis sa création, mais aussi une faillite sans précédent de l’armée, des services de renseignement et le résultat de l’échec de la politique menée depuis plus de deux décennies par Benyamin Netanyahou.
Selon lui, l’avenir d’Israël repose d’abord et avant tout sur sa capacité à avoir un coup d’avance, à imaginer et à planifier le « jour d’après ».
M. D.
Myriam Danan — Comment avez-vous ressenti l’attaque du 7 octobre ?
Ehud Barak — J’ai été sidéré. J’étais à New York lorsque j’ai appris que le massacre était en cours. Très vite, j’ai compris que son ampleur était sans précédent, qu’il s’agissait de l’événement le plus grave depuis la création de l’État d’Israël. Un tel nombre de juifs, civils, femmes, enfants, vieillards et soldats, n’avaient pas été assassinés avec autant de cruauté — brûlés, violés, décapités —, et en quelques heures seulement, depuis la Seconde Guerre mondiale.
Je pense que la vraie surprise, c’est l’échec du renseignement israélien, son inaptitude à identifier et à prévenir cette attaque. Si l’alerte avait été donnée ne fût-ce que quelques heures plus tôt, on aurait pu disperser les participants du festival Nova, envoyer des tanks à la frontière, rapatrier des unités, utiliser des drones… On aurait pu très vite faire tant de choses pour limiter l’ampleur de cette attaque, voire l’empêcher.
Au-delà des services de renseignement, c’est aussi l’échec de nos forces opérationnelles, insuffisamment présentes au sud, de l’état-major de Tsahal et du gouvernement. Chacun doit mesurer ses erreurs.
La cruauté du Hamas ne doit pas nous surprendre. Il suffit de consulter les archives. On y découvre que Netanyahou affirmait déjà après l’opération Bordure protectrice (Tsouk Eitan), il y a dix ans, que le Hamas avait mis au point des plans pour s’infiltrer en Israël en empruntant des tunnels ou en forçant la barrière de sécurité à la frontière. L’objectif était d’attaquer des kibboutzim et des bases militaires du Sud, avec pour instruction de massacrer tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin.
J’ajoute que Netanyahou a été informé de la dégradation de la situation sécuritaire il y a plus d’un an. L’Iran, les attentats à répétition en Cisjordanie, les manifestations massives à l’intérieur du pays contre sa réforme judiciaire… Il a refusé d’écouter. Un peu plus de six mois avant l’attaque du 7 octobre, Yoav Gallant, son ministre de la Défense, a demandé à réunir le cabinet restreint de sécurité pour débattre de menaces immédiates contre la sécurité d’Israël. La réponse de Netanyahou a été de tenter de le renvoyer dans ses foyers avant de faire marche arrière en raison de la vague de protestations, y compris au sein de la coalition et même du Likoud.
Ce n’est pas la faute du premier ministre si les chefs du renseignement n’ont pas donné l’alerte la veille de l’attaque, s’ils n’ont pas pris la mesure des indices dont ils disposaient. Ce n’est pas sa faute, non plus, si les soldats de l’unité Golani étaient dans leur lit plutôt qu’à leur poste et aux aguets. Mais Netanyahou est responsable des thèses qu’il a défendues avec conviction pendant des années, de sa stratégie envers les Palestiniens et le monde arabe. Le problème n’est pas uniquement la façon dont il a géré la menace que représentait le Hamas. C’est toutes les idées qu’il défend depuis quinze ans qui se sont effondrées le 7 octobre. Elles se sont effondrées en …
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