Avant les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement qui se tiendront à Nairobi à la fin du mois de mai et à l’occasion du sommet sur le Clean cooking à Paris, Politique Internationale publie l’interview du président de la Banque africaine de développement (BAD), le Dr Akinwumi Adesina. Celui que l’on surnomme « l’optimiste en chef » explique pourquoi l’avenir de l’Afrique sera vert, et pourquoi un nouveau Pacte financier mondial est indispensable pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies.
Ulysse Gosset — Lors du sommet financier qui s’est tenu à Paris en juin 2023, le président Emmanuel Macron a tenté de relancer un dialogue multilatéral sur les grandes questions financières mondiales. Y est-il parvenu ? Le big bang espéré à Paris s’est-il effectivement produit ?
Dr Akinwumi Adesina —Je voudrais d’abord saluer l’initiative du président Macron, qui a réuni des dirigeants d’Afrique et d’autres régions du monde autour d’un « nouveau pacte financier mondial ». Mais les efforts actuels restent largement insuffisants face aux besoins des pays en développement. Ces besoins — selon un rapport commandé par le Royaume-Uni et l’Égypte en préparation à la COP27 de 2022 — sont estimés à 2 400 milliards de dollars par an pour la réduction des émissions et la prise en charge des répercussions des changements climatiques.
U. G. — Ceux qui espéraient que le sommet serait l’occasion d’adopter de nouvelles taxes — en particulier sur les activités polluantes — ont été déçus. Les projets de taxes internationales sur les transactions financières, sur les billets d’avion (comme cela est le cas en France depuis 2008) et sur le transport maritime ne se sont pas matérialisés. Êtes-vous déçu, vous aussi ?
A. A. — Non, je suis au contraire optimiste et je pense que nous sommes sur la bonne voie. Les pays riches ont confirmé la réallocation de l’équivalent de 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux émis par le Fonds monétaire international en faveur du Sud global, ce qui est positif. Ces DTS devraient être réacheminés vers les banques multilatérales de développement qui, par un effet de levier, peuvent multiplier ces sommes par un facteur 3 ou 4 (1).
La Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement militent depuis longtemps pour cette mesure. Avec cette réallocation, nous pourrons offrir davantage de possibilités de financement aux banques de développement régionales et nationales à travers l’Afrique, dans le cadre de l’initiative « Finance en commun » lancée par mon ami Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement. Cela accélérera la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030 en fléchant le financement vers les petites entreprises et les économies locales.
U. G. — Nombre de chefs d’État ont bien accueilli le dialogue lancé lors du sommet, mais des divergences d’opinion subsistent. Les critiques relèvent que les pays riches parlent de réformes à long terme alors que les nations pauvres, elles, ont besoin d’une aide à court terme. Comment concilier objectifs climatiques et objectifs de développement ?
A. A. — Il est, en effet, vital de parvenir à un équilibre entre priorités climatiques et priorités de développement. Tout d’abord, nous devons veiller à ce que le dialogue sur la refonte du système financier mondial associe les représentants tant des pays développés que des pays en développement, notamment les plus touchés par les changements climatiques.
Il faut que les nations développées apportent un soutien financier et technologique aux pays en développement dans leurs efforts d’adaptation aux changements climatiques. Elles doivent honorer leurs engagements de financement. …
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