Politique Internationale — À partir de quand a-t-on commencé à faire le lien entre CO2 et climat ?
Valérie Masson-Delmotte — La compréhension de la physique de l’effet de serre remonte au début du XIXe siècle, avec les travaux pionniers sur les transferts de rayonnement dans l’atmosphère de Joseph Fourier (1822), d’Eunice Foote (1856) — la première à suggérer que le CO2 est un gaz à effet de serre — et de John Tyndall (1861), qui a démontré l’absorption du rayonnement infra-rouge par différents gaz. En 1896, Svante Arrhenius (1), effectue les premiers calculs de la sensibilité du climat à l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 induite par la combustion de charbon.
Au cours du XIXe siècle se mettent aussi en place les réseaux d’observation météorologiques et océanographiques, qui permettent en 1938 à Guy Callendar de montrer que la température de surface de la Terre a augmenté depuis 50 ans — une hausse qu’il explique par l’accroissement du niveau atmosphérique de CO2. En 1957, Charles Keeling démarre l’observation continue de cette concentration en CO2 dans l’atmosphère, et il est rapidement établi que son augmentation est liée à la combustion d’énergies fossiles. En 1967, Suki Manabe (2) est l’un des premiers à modéliser les rétroactions climatiques, notamment liées à la vapeur d’eau, qui amplifient la réponse du climat au CO2, en plus de ses effets radiatifs directs. En 1979, le rapport Charney, rédigé sous l’égide de l’Académie des sciences américaines, produit la première évaluation scientifique collective sur CO2 et climat, en particulier la première évaluation approfondie de la réponse de la température planétaire à un doublement de sa concentration (« sensibilité climatique »). Dans les années 1980, Claude Lorius et Jean Jouzel, grâce à l’analyse des carottages de Vostok, en Antarctique, mettent en évidence le caractère inédit de la hausse de la concentration en CO2 dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle, et les relations étroites entre variations passées de la température planétaire, du niveau de la mer et de la concentration en gaz à effet de serre au cours des périodes glaciaires et interglaciaires. Dans les années 1990, Klaus Hasselmann construit des méthodes d’attribution, permettant objectivement d’évaluer et de quantifier l’influence humaine sur le climat, par rapport aux facteurs naturels de sa variabilité — des travaux récompensés par le prix Nobel de physique en 2021, et maintenant élargis à l’attribution de l’influence humaine sur la probabilité d’occurrence et l’intensité d’événements extrêmes. Depuis les années 2000, les mesures par satellite permettent de discerner l’augmentation de l’effet de serre, au sommet de l’atmosphère et en surface.
Ces repères chronologiques ne sont pas exhaustifs : ils témoignent des formidables progrès des connaissances en physique du climat, qui ont été évalués, depuis 1990, dans les six rapports successifs du GIEC (3). Il est aujourd’hui sans équivoque — c’est un fait établi — que la hausse des concentrations de CO2, de méthane et d’oxyde nitreux dans l’atmosphère est due aux activités humaines — 70 % du fait de la combustion d’énergies fossiles, le reste provenant …
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