Politique Internationale — Comment cette chaire Assurance et Société a-t-elle été portée sur les fonts baptismaux ? Quels sont ses principaux objectifs ?
Raymond Dartevelle — Cette chaire est née en 2015 de la collaboration entre l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et la Fédération française de l’assurance (ex-FFSA), devenue depuis France Assureurs. L’idée était de bâtir un programme pluridisciplinaire, capable de donner de la profondeur historique aux problématiques contemporaines du secteur alors même que la plupart des chaires universitaires ou de grandes écoles, spécialisées en économie, gestion, finance, actuariat, mathématiques appliquées à l’assurance…, sont principalement orientées vers l’analyse du présent et du futur proche. Bref, il s’agit d’un travail de mise en perspective couvrant l’ensemble des champs de recherche en y intégrant également les aspects mémoriels et patrimoniaux. Il prend en compte les apports historiographiques récents, dont l’histoire de l’assurance a bénéficié, notamment le concept de « Global History », qui privilégie l’interaction et les liens internationaux, ainsi que l’analyse des structures organisationnelles et des stratégies de développement, telle que la pratique la « Business History ».
P. I. — D’une manière générale, quel est le prisme à travers lequel l’université étudie le secteur de l’assurance ?
R. D. — Dans les faits, et si l’on examine cette question en amont de notre époque, la création des enseignements et des chaires d’assurance correspond le plus souvent à une volonté institutionnelle de répondre à une demande sociétale, voire à une recomposition du paysage politique et économique. Ainsi, en 1927, au moment où le projet de loi française sur les assurances sociales suscite débats et controverses, la chaire d’assurances et prévoyance sociales, créée au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) en 1900, est transformée en une chaire de Théorie générale des assurances et assurances sociales. Elle est confiée à l’actuaire René Risser, polytechnicien et grand connaisseur du système allemand de protection sociale. Parmi d’autres exemples, retenons la création en 1946, sous l’égide du CNAM, de l’École nationale des assurances (ÉNAss). Celle-ci constitue un des piliers de la recomposition du paysage assurantiel de l’après-guerre, avec la mise en place du Conseil national des assurances et la nationalisation de plus d’une trentaine de compagnies d’assurance. On pourrait évoquer aussi la création, au début des années 1930, dans un contexte de crise économique, d’un Institut supérieur de science financière et d’assurances (ISFA) adossé aux facultés de Lyon. Spécialisé dans la formation aux sciences actuarielles, il fonctionne toujours aujourd’hui. Si l’on élargit le propos à l’international, il est intéressant de constater qu’à la différence de l’approche anglo-saxonne, fondée sur l’apprentissage d’une expertise professionnelle, le monde germanique est quant à lui dominé par la formation universitaire de caractère académique et pluridisciplinaire (juridique, mathématique, économique, médicale…). Ce modèle, qui remonte à la fin du XIXe siècle, a contribué à l’expansion commerciale de l’Allemagne et au développement international de la science des assurances.
P. I. — Pourquoi l’assurance a-t-elle été si longtemps délaissée par les historiens ?
R. D. — Il y a au moins deux bonnes raisons à …
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