Politique Internationale — Mondialisation, préemption des musées, accumulation d’informations sur les œuvres, concurrence des maisons d’enchères : le commerce d’œuvres d’art est-il aujourd’hui plus risqué qu’autrefois ?
François Curiel — Si par « risqué » vous entendez « difficile », alors non je ne pense pas que cela soit plus risqué aujourd’hui. Je dirais même que la mondialisation et les avancées technologiques ont facilité les échanges d’œuvres d’art puisqu’elles ont amoindri les asymétries d’informations entre les divers acteurs du marché. Les bases de données en ligne permettent de vérifier l’authenticité, la provenance et l’évolution des prix de très nombreuses œuvres. La blockchain et le recours à l’intelligence artificielle sont déjà en train d’accentuer cette tendance lourde chez Christie’s, en aidant à retracer le parcours des œuvres et à confirmer leur pedigree. Cette transparence accrue facilite les transactions et renforce la confiance sur le marché. En outre, la diversité des maisons de vente aux enchères offre un large éventail d’œuvres et de prix, et le nombre croissant de foires d’art permet de toucher un public de plus en plus international, élargissant ainsi le marché.
L’essor de la Chine sur le marché de l’art — qui est devenue, selon les années, son deuxième ou troisième acteur mondial — a également participé à cet élargissement géographique du monde de l’art au cours des dernières décennies, démultipliant les opportunités géographiques et la profondeur du marché. Cela tient en partie à une hausse de la demande intérieure, soutenue par le développement des grandes maisons de vente locales comme Poly Auction et China Guardian. En 2024, selon le dernier rapport Art Basel, les importations mondiales d’objets d’art et d’antiquités ont ainsi continué de croître pour la troisième année consécutive, avec une progression de 6 %, pour atteindre 33 milliards de dollars, les principales régions importatrices telles que Hong Kong ayant maintenu une forte demande (1).
P. I. — Est-ce plus risqué de trouver des interlocuteurs et/ou des partenaires fiables ?
F. C. — Il s’agit surtout de bien choisir son ou ses partenaires. Il y a un réel besoin d’accompagnement chez les particuliers souhaitant diversifier leur patrimoine dans les œuvres d’art, et pas seulement pour les plus fortunés. Les œuvres d’art sont une classe d’actifs à part, qui requièrent un ou plusieurs spécialistes : en 2024, un quart des clients ont déclaré s’être appuyés sur des conseillers pour les aider à décider de leurs achats. De grands spécialistes, comme Marc Blondeau à Genève ou Sandy Heller à New York, ont développé des cabinets de conseil très recherchés. Une solide expertise, couplée à une sensibilité éduquée à l’art ainsi qu’à son marché, et surtout l’œil du collectionneur, restent éminemment nécessaires pour exercer ce rôle. Indépendamment de leur potentiel financier, les expertises permettent de saisir le relief le plus important des œuvres : leur humanité, leur imperfection et leur grâce.
P. I. — Le marché de l’art, cet univers qui déchaîne tellement d’émotions, voire de passions : peut-on en parler comme d’une entité générique, bien identifiée, bien balisée …
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