Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'assurance face aux risques de demain

Politique Internationale — Jamais les risques n’ont semblé si prégnants, que ce soit à l’échelle de la planète et de ses grands enjeux ou à celle de la société et de ses modes de fonctionnement. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? Est- ce la rançon de la modernité ?

Thomas Buberl — Il est difficile de tirer des enseignements définitifs sur la période actuelle, tant ce contexte de polycrises que nous connaissons depuis quelques années continue d’être mouvant. Par ailleurs, la perception des risques n’est pas la même dans toutes les parties du monde, et peut aussi dépendre de la position qu’on occupe dans l’économie ou la société. Cela dit, si nous nous plaçons sur du temps long, nous pouvons en effet affirmer que la notion de risque est, depuis vingt ans, de plus en plus présente. Quelle est la particularité de notre époque en la matière ? D’une part, tous ces risques — dont certains sont connus depuis longtemps, alors que d’autres, plus récents, émergent — sont interconnectés. D’autre part, les séquences de crises s’enchaînent à vitesse accélérée : auparavant, à une période de — grande — crise succédait souvent une certaine accalmie. Aujourd’hui, il n’y a plus cette phase de répit qui permet de reprendre ses esprits et de se reconstruire. Enfin, la nature du risque a changé : on se retrouve face à des menaces systémiques capables, comme leur nom l’indique, d’ébranler tout le système. Le réchauffement de la planète, le Covid, ou encore le cyber font partie de cette catégorie.

P. I.Vous évoquez cette interconnexion des risques. Est-ce comme un jeu de dominos, où chaque pièce bouscule l’agencement des suivantes ?

T. B. — Considérons le risque géopolitique : il se fond largement, aujourd’hui, dans la menace cyber. Prenons la crise climatique : nous ne pouvons pas la dissocier des effets sur la santé publique qu’elle peut engendrer, ou encore des migrations, avec leurs conséquences géopolitiques potentielles. In fine, tout est lié. Nous ne pouvons plus, comme par le passé, nous contenter uniquement de segmenter les risques. Si vous me permettez cette image, c’est comme un pullover : dès qu’on tire un peu sur un fil, c’est le vêtement en entier qui est fragilisé. Cette interconnexion des risques n’empêche pas, au contraire, d’avoir une approche méthodique pour les comprendre, les analyser et mieux y faire face. C’est pour cela que, dans le cadre de notre Future Risks Report, une étude unique en son genre, véritable référence pour l’ensemble de nos parties prenantes au sens où elle dresse le panorama des risques de demain, nous demandons à plus de 20 000 personnes, dont 3 000 experts dans une cinquantaine de pays, chaque année, de classer les risques par ordre d’importance.

Depuis quelques années, le risque climatique s’installe durablement en tête du classement. Ce qui est normal compte tenu de l’enjeu de la transition climatique. Pour ma part, je considère que le risque social est la plus forte menace qui pèse sur nos sociétés. Non pas …