
Frédéric de Monicault —Peut-on dire que l’axe Moscou-Pékin se consolide ?
Sylvie Bermann — Donald Trump a toujours été fasciné par Vladimir Poutine et par le sentiment de puissance qu’il diffuse. Mais, pendant son premier mandat, il n’a pas été suivi par son administration. Lors de la rencontre entre les deux hommes, en 2018 à Helsinki, les discussions avaient commencé par prendre un tour favorable jusqu’à la conférence de presse au cours de laquelle le président américain a donné raison à son homologue russe contre ses propres services de renseignement au sujet des ingérences du Kremlin dans la campagne électorale. Son entourage a dès lors mis le holà et empêché de nouvelles rencontres bilatérales. Se sont ensuivies une foultitude de sanctions contre Moscou. « Trump 2 » a démarré de manière assez similaire puisque le locataire de la Maison Blanche semblait beaucoup plus préoccupé par la question des investissements réciproques et la réhabilitation de la Russie sur la scène internationale que par le conflit en Ukraine. Depuis, Donald Trump a dû déchanter : en dépit de ses appels répétés à un cessez-le-feu, Poutine n’a pas renoncé à faire la guerre. C’est pourquoi, dans le contexte actuel, l’axe Moscou-Pékin tend à se consolider.
F. de M. — Au cours des dernières années, indépendamment des positions de Donald Trump, comment s’est tissé le lien entre Russie et Chine ?
S. B. — Les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014 ont constitué un épisode fondateur. Alors qu’un grand nombre de pays appelaient au boycott, la Chine s’est au contraire montrée solidaire de la manifestation sportive organisée par la Russie, et Xi Jinping y a assisté ostensiblement. Plus tard, Pékin n’a pas dénoncé non plus l’invasion de la Crimée. Tout cela a contribué au rapprochement entre les deux pays. Ce qui n’était pas le cas du temps de Boris Eltsine. Souvenons-nous : le Kremlin faisait alors l’éloge de la démocratie et des droits de l’homme, prétendait s’être engagé sur une nouvelle voie et dénonçait le fonctionnement autoritaire de son voisin chinois. Mais cette normalisation entre Moscou et Washington s’est vite affadie.
L’axe sino-russe repose aussi sur une équation personnelle : Poutine et Xi Jinping sont deux hommes de la même génération qui dirigent chacun leur pays d’une main de fer, sans même que l’on puisse entrevoir la fin de leur règne. En Russie, le mandat de Vladimir Poutine est parti — administrativement parlant — pour se prolonger jusqu’en 2036. En Chine, aucune borne n’est fixée à Xi Jinping.
F. de M. — Trump, Poutine et Xi Jinping : lequel de ces dirigeants marque aujourd’hui le plus efficacement son territoire ?
S. B. — Xi Jinping, qui maintient un contrôle strict sur sa population, apparaît à l’international comme une force tranquille mais qui ne cède rien face aux menaces de Donald Trump, notamment en ce …
This website is freely accessible. To continue reading, you need to register an account.
I already have an account
I create my account
This will be your personal account where you could consult anytime :
- Order history
- Links to purchased magazines, articles, or interviews
- Personal informations