
Face au belligérant sans pitié qu’est Poutine et au leader imprévisible qu’est Donald Trump, certaines personnalités européennes, et notamment françaises, se font les avocats d’un rapprochement avec Pékin. Or une telle évolution négligerait une donnée essentielle : depuis 60 ans, c’est Pékin qui est sorti gagnant de la relation franco-chinoise sur tous les plans, politique, économique et culturel. Par conséquent, plutôt que de rêver à de complexes réaménagements géopolitiques, notre priorité devrait être de réviser complètement notre politique chinoise. Et cela, en nous appuyant sur trois axes : soutien affirmé à Taïwan ; défense sans concessions des valeurs démocratiques ; réciprocité dans tous les domaines.
Un échec politique : l’inversion du rapport de force
En 1964, lorsque Paris a brisé la glace diplomatique pour introduire la Chine de Mao dans la cour des Grands, cette dernière n’était qu’une puissance régionale du tiers monde, exclue de l’enceinte des Nations unies. La France a joué un rôle déterminant dans l’entrée de la RPC à l’ONU et est restée pendant des années ce précieux « ami » occidental que Pékin a pris soin de séduire. L’« amitié sino-française » sert à justifier les proximités de toutes sortes avec le régime totalitaire, qu’elles soient le fait d’orientalistes authentiques ou condescendants, de vrais naïfs ou de faux cyniques. En 2019, c’est pour récompenser sa contribution à l’amitié franco-chinoise que l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin reçoit la « médaille de l’amitié », comme Vladimir Poutine juste avant lui, des mains du président Xi. Quant à l’industriel français Alain Mérieux, moteur de nombreux partenariats sino-français dont celui du fameux laboratoire P4 à Wuhan, il a l’honneur de devenir, en 2018, le premier récipiendaire de la « médaille de l’amitié pour la réforme de Chine », décernée par le secrétaire du PCC Xi Jinping en personne dans l’imposant Grand Palais du Peuple à Pékin.
Aujourd’hui, « les deux grands pays », comme la propagande chinoise le répète à l’envi pour flatter l’ego français à peu de frais, continuent à partager la même passion pour les célébrations grandioses d’une relation « spéciale », mais cela ne suffit plus à masquer ni l’inversion du rapport de force ni le déficit commercial criant en faveur de la deuxième puissance mondiale.
Le malaise français face au géant chinois s’explique : alors que la Chine maoïste a profité de l’initiative gaullienne pour gagner en influence sur la scène internationale, la France n’a guère bénéficié d’un traitement « privilégié », épithète pourtant fétiche des communiqués officiels. Que ce soit lors des attaques violentes des Gardes rouges contre les diplomates français pendant la révolution culturelle, ou du boycott en 2008 des produits français (1), le Parti s’est borné à évoquer la « spontanéité des masses » pour cacher les manœuvres du gouvernement dans un pays où la liberté de rassemblement n’existe que sur le papier.
L’ …
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