Isabelle Lasserre — Le cessez-le-feu à Gaza et le projet de paix de Donald Trump au Proche-Orient vous inspirent-ils de l’optimisme ?
Pierre Servent — Cet accord me fait penser à un hémophile essayant de traverser une usine de lames de rasoir. Les dangers et les obstacles sont nombreux. Il y a beaucoup de non-dits, notamment du côté de Benyamin Netanyahou. Mais c’est la première et même la seule lueur d’espoir pour la région depuis maintenant deux ans, précisément depuis le 7 Octobre. Je suis très critique vis-à-vis de Donald Trump, que je considère comme un personnage fascisant qui malmène son pays. Mais je dois reconnaître que sa brutalité, le fait qu’il ait tordu le bras de Benyamin Netanyahou et réussi à faire naître un plan en 20 points qui évoque un État palestinien, même de manière très allusive, génère un certain optimisme. On sent bien aussi que de nombreux pays arabes comme l’Égypte et les monarchies du Golfe, ainsi que les Européens, tentent à leur tour de pousser ce frêle espoir. Peut-être suis-je trop confiant, mais il me semble qu’une dynamique est possible, en termes de gouvernance et d’intervention militaire internationale, pour gérer la situation cataclysmique de Gaza.
I. L. — Comment jugez-vous le rôle d’Emmanuel Macron et de la France dans la crise du Proche-Orient ?
P. S. — En reconnaissant un État palestinien et en entraînant à sa suite d’autres grands pays, la France a joué un rôle important. Le fait qu’elle soit membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’elle ait été impliquée pendant longtemps dans ce dossier lui a permis d’initier ce mouvement, même si elle a donné le sentiment de ne pas avoir de prise sur les événements. Ma conviction, c’est que le président Macron et la diplomatie française ont produit un élan, et que le président Trump, constatant que Benyamin Netanyahou n’en faisait qu’à sa tête, y compris en commettant l’erreur magistrale de mener une frappe sur le Qatar, a repris la main. Ce n’est pas la France qui a conclu l’accord, ce n’est pas la France qui a fait pression sur Benyamin Netanyahou, ce n’est pas la France qui a appelé l’ensemble des pays arabes — de la façon dont Trump sait le faire — en cajolant et en menaçant, mais elle a néanmoins apporté sa pierre à cet édifice. Sans doute les historiens écriront-ils de longues pages sur la dissolution de 2024. Le président Macron est un OVNI tout à fait étonnant mais, à mon sens, la reconnaissance de l’État palestinien restera à son crédit.
I. L. — Pensez-vous que les accords d’Abraham pourront survivre aux événements du Proche-Orient ? Trump sera-t-il capable de les élargir à l’Arabie saoudite ?
P. S. — Je pense qu’ils ont été sauvés du gouffre. Les politiques guerrières du gouvernement israélien — la destruction du Hezbollah, l’acharnement contre le Hamas, l’attaque, assez habile, des installations nucléaires iraniennes avec l’aide de Donald Trump… — finissaient par menacer la survie des accords d’Abraham et par hypothéquer leur éventuel élargissement …
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