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Sauver l’Hermione !

Sabine Renault-Sablonière — De quoi souffre l’Hermione ?

Marc de Briançon — Lors du carénage de contrôle mené au printemps 2021 au port de La Rochelle, une détérioration est constatée sur l’extérieur de la coque à l’arrière bâbord, sous la ligne de flottaison. À l’automne 2021, il est décidé de conduire l’Hermione en cale sèche au port de Bayonne afin de mener les travaux nécessaires. Les premières expertises confirment que le problème est sérieux : des dégradations importantes, mais localisées, sont relevées à l’avant et à l’arrière du navire, nécessitant le remplacement de pièces de bois entières. Des investigations plus poussées révèlent qu’il ne s’agit pas d’un vieillissement prématuré des bois de la coque, mais d’une attaque de champignons à croissance lente.

S. R.-S. — Comment procéder pour sauver le navire ?

M. de B. — L’association Hermione-La Fayette s’est entourée des meilleurs experts en matière de construction et de maintenance pour un navire en bois aux caractéristiques uniques en France. Suite à un appel d’offres, l’association a fait le choix de confier la maîtrise d’œuvre des travaux de restauration du grand carénage à la société Yacht Concept basée à La Rochelle. Après consultation, deux entreprises ont été retenues pour procéder aux travaux de démontage et de réparation : la société Asselin basée en Nouvelle- Aquitaine, spécialisée dans la restauration des menuiseries et des charpentes des monuments historiques ; et le chantier du Guip, basé en Bretagne, spécialisé dans la construction, la réparation et l’entretien de bateaux en bois, dont ceux de la Marine nationale. À l’issue de la phase de diagnostic, les experts sont tous formels : l’Hermione est réparable. 

S. R.-S. — Quelles sont les solutions mises en œuvre ?

M. de B. — 190 mètres carrés environ de bordés viennent d’être déposés à l’avant et à l’arrière, soit un cinquième de la surface de la coque pour pouvoir atteindre les pièces de bois endommagées et les remplacer progressivement. Au total, un volume de 40 mètres cubes de pièces de bois est à restaurer, soit 7 % du volume de la frégate. Certaines pièces, grandes et courbes en particulier, seront confectionnées en lamellé-collé faute de pièces en chêne massif suffisamment sèches disponibles.

S. R.-S. — Ce grand carénage représente un défi financier pour l’association. Comment comptez-vous réunir la somme nécessaire ?

M. de B. — Une première levée de fonds de 3,5 millions d’euros a permis de réaliser l’installation du chantier à Anglet, les investigations sur l’ensemble du navire et les premiers travaux de restauration. Il est prévu de lancer une deuxième tranche d’investissement de 6,5 millions d’euros pour mener à bien la suite du grand carénage, assurer la sécurité et la protection de la frégate sur toute la durée de la restauration et poursuivre l’accueil du public ainsi que des personnes en formation sur le site. Ce chantier mobilise, en effet, une trentaine d’entreprises et fait intervenir 30 à 40 personnes par jour : prestataires, jeunes en formation, bénévoles et salariés de l’association. Notre objectif est de remettre à l’eau l’Hermione en 2025 après des travaux de restauration dont la durée est estimée environ à 24 mois. Pour tenir ces délais, l’association est engagée dans une course contre la montre afin de réunir rapidement les fonds nécessaires.

S. R.-S. — Quand l’Hermione aura fait peau neuve, s’élancera-t- elle à nouveau vers les Amériques ?

M. de B. — Pourquoi pas ? Cela permettrait de raviver l’esprit et les valeurs de La Fayette auprès du grand public et des médias, et de consolider les liens qui unissent nos pays.