Politique Internationale — En quoi le hub de Paris-CDG contribue-t-il à l’attractivité de Paris en France et à l’étranger ?
Anne Hidalgo — Le tourisme est un secteur clef de l’économie parisienne. Il représente 400 000 emplois, soit 12,4 % de l’emploi dans le Grand Paris. C’est un secteur en croissance continue, source d’activités non délocalisables. Si Paris est aujourd’hui en capacité d’être la première destination touristique mondiale, c’est parce qu’elle est l’une des villes les mieux connectées au monde, avec des infrastructures aéroportuaires, ferroviaires et routières performantes. La puissance du système aéroportuaire parisien réside dans la complémentarité de ses quatre grands aéroports, qui permettent d’accueillir toutes les catégories de trafics, de compagnies et d’aviations. Il concentre des long- et moyen-courriers, des vols à bas coût et des vols d’affaires, du transport commercial de passagers et du fret. Paris-Charles-de-Gaulle est le 1er aéroport français, mais aussi le 1er hub européen, le 2e aéroport européen et le 8e aéroport mondial. À eux seuls, les aéroports de Paris-Orly et Paris-Charles-de-Gaulle relient la capitale française à 351 destinations desservies au moins une fois par semaine, via 157 compagnies aériennes. L’essentiel des villes d’Europe occidentale sont ainsi à moins de deux heures de vol de Paris. Il est essentiel de maintenir cette connectivité et d’innover. Nous devons, par exemple, travailler sur l’accessibilité des prix depuis certains pays, en particulier la Chine dont le marché est en pleine croissance.
P. I. — Ces aéroports constituent-il une des vitrines de la ville ?
A. H. — Près de la moitié des touristes viennent à Paris en avion. Les aéroports sont leur première porte d’entrée, la première image qu’ils ont de notre capitale. Cette vitrine doit être irréprochable, tant en matière de qualité d’accueil, que d’information et d’orientation. Nous travaillons étroitement avec Paris Aéroport sur ce sujet. Nous veillons aussi à faire rayonner les grands événements parisiens au cœur des aéroports, notamment pour toucher les voyageurs en transit susceptibles d’effectuer prochainement un séjour dans notre pays.
P. I. — La ville de Paris et Paris Aéroport mènent-ils une politique concertée pour attirer des touristes (campagnes promotionnelles, initiatives communes, etc.) ?
A. H. — Nos équipes travaillent ensemble sur les enjeux aussi bien de connectivité, de qualité de l’accueil touristique, de développement de nouvelles offres que de promotion de la destination. Paris Aéroport a ainsi participé activement aux travaux initiés par la collectivité en vue de l’élaboration du Schéma de développement touristique de Paris, adopté en novembre 2016 par le Conseil de Paris. Ce schéma constitue une stratégie sur six ans pour maintenir l’attractivité de la capitale française et sa place de 1ère destination touristique mondiale. Pour améliorer la qualité de l’-accueil, nous partageons nos expériences, nos bonnes pratiques et expérimentons des solutions communes, par exemple pour réduire les files d’attente, apporter un accueil multilingue et déployer des offres touristiques adaptées au profil de chacun. Paris Aéroport est aussi l’un des membres fondateurs du Welcome City Lab, le premier incubateur municipal dédié à l’innovation touristique.
P. I. — Cette politique s’exprime-t-elle à travers les aéroports de province ou étrangers, voire au sein des aéroports parisiens pour capter les passagers en transit ?
A. H. — Nous développons une stratégie commune pour mieux accueillir les passagers en transit. Parmi nos projets figure le développement d’une offre touristique originale et adaptée aux voyageurs en correspondance. L’idée est de leur faire découvrir Paris et d’aller à la rencontre des Parisiens, le temps d’une escale. C’est un objectif ambitieux, mais nous sommes à pied d’œuvre. La Ville soutient également la démarche de Paris Aéroport visant à créer un lieu dédié aux passagers en correspondance longue à Paris.
P. I. — Ressentez-vous les effets des investissements consentis par Paris Aéroport pour l’amélioration de la qualité de service et la modernisation des terminaux sur l’attractivité de Paris ?
A. H. — Les investissements de Paris Aéroport dans la rénovation de ses différents sites ont permis de faire croître significativement les arrivées touristiques à Paris. Entre 2006 et 2014 la capacité de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle a ainsi progressé de 70 %, soit 25 millions de touristes supplémentaires par an. Les enquêtes de satisfaction démontrent aussi une nette amélioration du ressenti des voyageurs à l’égard du confort des terminaux et des services qui leur sont proposés. Cela commence à se ressentir positivement dans les classements internationaux, c’est une bonne nouvelle pour l’image de Paris.
P. I. — Comment allez plus loin ?
A. H. — Nous allons continuer à soutenir Paris Aéroport dans son projet de développement d’Orly, investir dans les systèmes de contrôle (Parafe) pour diminuer encore davantage les temps d’attente à l’arrivée et améliorer les interconnexions avec la Ville. Plusieurs lignes de transports en commun vont, par exemple, améliorer significativement le trajet entre le cœur de Paris et les aéroports dans les cinq à dix prochaines années.
P. I. — Avez-vous travaillé à une réponse concertée pour rétablir l’attractivité de Paris et renouer avec un sentiment de sécurité suite aux événements tragiques qui ont frappé la capitale en 2015 et 2016 ?
A. H. — Nous avons mené des campagnes de promotion communes pour envoyer des messages rassurant aux touristes et promouvoir la destination Paris, en lien avec l’Office du tourisme et des congrès de Paris et avec le ministère des Affaires étrangères. Elles ont été déployées en 2015 et en 2016. Paris Aéroport a eu un rôle central dans le co-financement et le relais de ces campagnes, ainsi que dans l’accueil d’influenceurs. Nous poursuivons ces efforts en 2017, en mettant en œuvre un deuxième volet de notre plan de relance, doté de 8 millions d’euros investis par l’État, la Ville et la Région Île-de-France, qui sera également abondé par des financements privés.
P. I. — Comment l’aéroport de Paris-CDG continue-t-il d’influer sur l’aménagement du territoire parisien (transports, zones commerciales, équipements à l’intention des touristes, etc.) ?
A. H. — C’est un vrai levier de développement de tout le territoire nord-parisien. L’aéroport de Paris-CDG est un gisement d’activités et d’emplois non délocalisables pour Paris et la Seine-Saint-Denis, dans des secteurs tels que l’hôtellerie-restauration, le tourisme d’affaires, la logistique, les transports, etc. C’est une source indéniable de dynamisme.
P. I. — Comment assurer une continuité du territoire entre la ville et son aéroport ?
A. H. — Comme je vous le disais précédemment, nous avons la volonté d’améliorer les interconnexions entre Paris et ses aéroports. C’est un enjeu majeur pour garantir l’attractivité de la destination. Paris soutient à ce titre le développement des grands projets que sont le Grand Paris Express et le Charles-De-Gaulle Express. Elle œuvre aussi à l’amélioration des lignes existantes, notamment le RER B. Paris abonde ainsi chaque année le budget du Syndicat des transports d’Île-de-France à hauteur de 400 millions d’euros, dont un quart va au financement de projets de transports situés au-delà du périphérique. Nous menons également des initiatives essentielles en cœur de ville. Je pense, par exemple, au réaménagement complet du quartier des Halles. Celui-ci constitue souvent un point d’arrivée pour les visiteurs en provenance d’Orly et de CDG. La refonte de la gare par la RATP, du centre commercial par Unibail et des espaces publics par la Ville a considérablement amélioré l’accueil des voyageurs et leur première impression de Paris.
P. I. — Comment conjuguer l’empreinte écologique d’un aéroport international avec votre volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution sonore dans la capitale ?
A. H. — Le tourisme est responsable de 5 % des émissions de GES dans le monde. Il a donc un impact indéniable sur le climat. -Lutter contre le dérèglement climatique implique de faire des efforts dans tous les secteurs, notamment celui-ci. Pour réduire l’empreinte écologique et la pollution sonore liés aux déplacements aériens, tout en préservant la connectivité parisienne, plusieurs chantiers doivent être poursuivis : investir dans des avions plus performants et moins consommateurs en carburant, augmenter la capacité d’emport des vols et mettre en place des mécanismes de compensation carbone.
P. I. — Quelles évolutions dans le paysage aéroportuaire parisien vous semblent-elles souhaitables ?
A. H. — L’OMT estime que les arrivées de touristes internationaux dans le monde vont progresser en moyenne de 3,3 % par an jusqu’en 2030, pour atteindre 1,8 milliards de personnes. Je souhaite que nous continuions à investir pour répondre à cette augmentation et bénéficier durablement de la vitalité économique que représente le développement du tourisme. Nous allons devoir ouvrir de nouvelles destinations en ciblant en particulier les pays à fort potentiel comme la Chine, dont le nombre de voyageurs progresse deux fois plus rapidement que celui des économies les plus avancées. Il s’agit aussi d’améliorer la desserte des aéroports grâce aux grands projets d’aménagement et de transports en commun que j’évoquais. Ces évolutions devront aller de pair avec le développement des nouvelles offres touristiques, qui encouragent à la visite et à la revisite de Paris. Nous avons de nombreux projets intramuros qui suscitent l’intérêt et la curiosité dans le monde entier : le nouveau parc des Rives de Seine, l’arrivée des -Collections Pinault, l’ouverture d’une nouvelle institution culturelle portée par LVMH aux abords du Bois de Boulogne, des innovations architecturales majeures dans le cadre de Réinventer Paris et Réinventer la Seine… Je pense aussi à des projets en dehors de Paris, comme la Cité de la gastronomie à Paris-Rungis, qui sera située sur le prolongement futur de la ligne 14. Elle constituera un nouveau lieu incontournable pour les visiteurs qui souhaitent découvrir et expérimenter la richesse de la gastronomie parisienne et française, à mi-chemin entre l’aéroport de Paris-Orly et le cœur historique de la ville.