Politique Internationale - Majesté, vous avez déclaré en mars 2002 qu'une intervention contre l'Irak serait un " désastre " et que " la stabilité du Moyen-Orient n'y résisterait pas ". L'intervention a eu lieu et vous l'avez jugée finalement " inévitable ". Avec le recul du temps, votre pronostic initial était-il fondé ?
Abdallah de Jordanie - La Jordanie a toujours appelé au dialogue, à la négociation et au règlement pacifique des différends. Tout au long de cette crise, nous avons espéré que la guerre serait évitée. Et nous avons tout fait pour l'éviter. Maintenant que les armes se sont tues, notre première préoccupation est d'assurer l'avenir du peuple irakien. La communauté internationale doit s'atteler à la construction d'un Irak moderne et démocratique. Les Irakiens doivent prendre en main leur destin le plus vite possible. C'est à la fois notre rôle et notre devoir de les aider à y parvenir.
P. I. - Diriez-vous qu'un monde sans Saddam est un monde plus sûr ?
A. de J. - Il est plus sûr dans la mesure où, avec la chute du régime de Saddam Hussein, un conflit potentiel disparaît. Sous Saddam, les Irakiens ont subi des années de guerre et de sanctions dont les effets se sont fait sentir dans la région tout entière. Le face-à-face entre Washington et Bagdad était une grande source d'instabilité. Désormais, la question est de savoir si nous serons capables de réintégrer l'Irak dans la communauté internationale et d'en faire un pays souverain, stable, apte à se gouverner lui-même. Si nous échouons, je crains que la situation ne soit pire qu'avant.
P. I. - Le renversement du régime de Saddam ouvre-t-il la voie à un remodelage du paysage moyen-oriental ?
A. de J. - Nous espérons que la transformation de l'Irak en un pays indépendant et démocratique ainsi que les progrès du processus de paix israélo-palestinien entraîneront l'ensemble du Moyen-Orient sur la voie des réformes indispensables à son développement. La démocratie, les droits de l'homme, l'éducation, la participation des femmes à la vie publique et la liberté de la presse : telles sont les valeurs qu'il nous faut défendre (1). Il y a un an, nous avons lancé un vaste programme, social et économique, qui vise à accélérer le rythme des réformes et à améliorer les conditions de vie de tous les Jordaniens. Ce programme porte notamment sur la formation professionnelle, le système de santé, le développement des zones rurales et les services publics. Notre ambition est d'incarner aux yeux du Moyen-Orient un modèle d'excellence. Je me suis personnellement impliqué dans cette vaste tâche.
P. I. - La majorité des Jordaniens était hostile à l'intervention américaine en Irak. Comment avez-vous réussi à les convaincre de ne pas s'y opposer ?
A. de J. - Dans l'ensemble, la communauté internationale était contre cette intervention ; mais il fallait aussi tenir compte des réalités sur le terrain. Tout le monde savait que Saddam n'était pas le plus aimable des hommes et les Jordaniens, qui sont très proches des …
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