LE VIRUS SOVIÉTIQUE

Anna Politkovskaia, 45 ans, est grand reporter à Novaya Gazeta, le dernier journal d'opposition d'une Russie qui se transforme rapidement en une " démocratie contrôlée ", selon les termes mêmes de l'administration présidentielle russe. Depuis août 1999, elle couvre pour son journal la deuxième guerre de Tchétchénie. Elle qui a effectué près de soixante séjours dans la république rebelle a toujours défendu avec obstination la population civile tchétchène, victime et otage aussi bien des troupes fédérales que des combattants indépendantistes. Au fil de ses articles, de ses essais et de ses grands reportages, elle est devenue l'un des critiques les plus audacieux du régime de Vladimir Poutine. Car, pour Anna Politkovskaia, la guerre en Tchétchénie, en voie de "palestinisation", exerce une influence désastreuse sur la société russe : la journaliste dénonce la fascisation rampante et le pourrissement intérieur du pays entier, conséquences directes de la " sale guerre " conduite par l'armée fédérale contre la population civile tchétchène. Auteur de deux livres publiés en France et dans plusieurs autres pays occidentaux (mais toujours pas en Russie !), Politkovskaia est également reconnue par les instances internationales pour être un grand connaisseur de la situation en Tchétchénie : au printemps 2003, elle a été invitée pour parler de la guerre tchétchène à l'assemblée parlementaire annuelle de l'Otan et, à l'automne dernier, lors d'une audition spéciale, elle a témoigné devant le Congrès des Etats-Unis.