C'est un pays où des élections générales auront lieu d'ici deux ans et où le président de l'Assemblée, Olivier Kamitatu, 40 ans, reconnaît qu'il ne s'est jamais servi d'un bulletin de vote. C'est l'un des pays les plus riches d'Afrique - potentiellement en tout cas -, mais l'usage des cartes de crédit y est inconnu et le ministre de l'Économie lui-même ne possède pas de compte en banque dans la capitale.
C'est un pays où, début juillet, Kisangani, la troisième ville la plus peuplée, a connu une fête incroyable : pour la première fois depuis cinq ans, un convoi de huit bateaux, venu de Kinshasa, a déversé une cargaison de biens de consommation courante d'une valeur de dix millions de dollars. Les marchandises les plus appréciées ont été le sel iodé, les vêtements et les chaussures, le ciment, le carburant, ainsi que 4 000 vélos aussitôt enfourchés pour répartir ces trésors à travers la brousse...
Après cinq ans de guerre, jamais remis de la dictature que Mobutu, ce bon allié des Occidentaux, lui imposa durant trente-deux ans avant d'être renversé en mai 1997 par Laurent-Désiré Kabila, le Congo-Kinshasa est dans un état de délabrement qui dépasse l'imagination. Chaque fois que de nouveaux ministres prennent leurs fonctions, ils doivent commencer par nettoyer leurs ministères, jeter les détritus, dégager les sanitaires et acheter des rames de papier. Tout est à l'avenant : s'ils veulent être admis dans les hôpitaux ou les dispensaires, les malades doivent tout apporter - les draps, mais aussi les pansements, les médicaments et les gants du chirurgien. Quant aux écoles, elles ne fonctionnent que parce que les parents rétribuent directement les enseignants - une contribution qui, dans les campagnes, se traduit le plus souvent par des cadeaux en nature, une poule, du maïs ou des légumes.
Cinq ans de guerre
Plus que tout autre pays d'Afrique, la RDC porte les stigmates de l'abandon : c'est en 1990 que, pour inciter Mobutu sinon à quitter le pouvoir du moins à le démocratiser, les pays occidentaux décidèrent de suspendre leur coopération économique. Durant les sept années de transition politique qui suivirent, la population fut victime d'un embargo de fait, la production s'effondra et l'économie bascula à 90 % dans le secteur informel, celui de la débrouillardise et de la survie. Miné par les luttes de clans, fragilisé par la poussée des courants pro-démocratiques, affaibli par l'afflux de réfugiés hutus (1), le régime de Mobutu n'opposa guère de résistance aux forces venues du Rwanda et de l'Ouganda en 1996-97. Ces forces voulaient à la fois régler les problèmes de sécurité à leur frontière et établir à Kinshasa un régime favorable à leurs intérêts politiques et économiques. Mais le " tombeur " de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, ne tarda pas à décevoir ses commanditaires extérieurs.
Un an plus tard, en août 1998, lorsque les armées du Rwanda et de l'Ouganda qui l'avaient installé au pouvoir entreprirent de détrôner l'ingrat qu'ils soupçonnaient d'armer des forces hostiles - notamment les ex-miliciens hutus rwandais - la …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles