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GRECE: L'HOMME DE L'ALTERNANCE

La fièvre électorale a saisi la Grèce depuis cet automne et ne la quittera pas pendant dix-huit mois. La Chambre des députés, élue en avril 2000 pour un mandat de quatre ans, doit en effet être renouvelée en mars 2004. Sur la foi d'une série de sondages tous concordants, la plupart des observateurs prévoient une victoire de la Nouvelle Démocratie, le grand parti de la droite libérale qui (si l'on excepte la parenthèse 1990-1993 du gouvernement Mitsotakis) n'a pas gouverné le pays depuis 1981.

Costas Caramanlis, l'actuel président de la Nouvelle Démocratie, neveu de celui qui fonda ce parti et domina la vie politique grecque pendant un demi-siècle, a de fortes chances de succéder au socialiste Costas Simitis, premier ministre depuis 1996. Un certain nombre d'obstacles se dressent cependant sur la route du chef de file de la droite hellénique. D'une part, Costas Simitis, candidat officieux à la succession du président de la Commission européenne Romano Prodi, entend bien réitérer, juste avant son retrait annoncé de la vie politique grecque, son exploit d'avril 2000, lorsque le Pasok (Mouvement socialiste panhellénique) remporta d'extrême justesse les élections législatives. D'autre part, la victoire électorale de la Nouvelle Démocratie, qui risque de ne pas être très confortable, pourrait conduire à des élections anticipées dès février 2005, date à laquelle les députés devront désigner un successeur à l'actuel président de la République, Costis Stéphanopoulos. La Constitution grecque exige, en effet, pour élire le chef de l'Etat, une majorité qualifiée des deux tiers aux deux premiers tours de scrutin et des trois cinquièmes au troisième tour, faute de quoi la Chambre est obligatoirement dissoute. Il n'est donc pas impossible que le Pasok revienne au pouvoir plus vite que prévu, d'autant qu'une nouvelle loi électorale est actuellement en préparation. Tout en maintenant une prime au parti arrivé en tête, cette loi accroîtrait la représentation au Parlement des petits partis - nombreux à gauche -, permettant ainsi au Pasok de former une coalition.

Costas Caramanlis appelle de ses vœux une "refondation de l'Etat" visant à mettre un terme à la paralysie d'une administration grecque dont le recrutement reste fondé sur le clientélisme plutôt que sur le mérite. Ce faisant, il n'hésite pas à bousculer les habitudes des gouvernements de gauche comme de droite. Né en 1956 et d'une vingtaine d'années plus jeune que Costas Simitis, cadet également - de cinq ans - du dauphin de celui-ci, Georges Papandréou, il appartient à cette nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques qui entendent renouveler à la fois le discours et la pratique d'une classe dirigeante à bout de souffle.

Dans cet entretien, Costas Caramanlis dévoile quelques-unes des mesures qu'il prendra dès le lendemain de sa victoire. S'il gagne...

Jean Catsiapis - Vous êtes le neveu de Constantin Caramanlis, qu'on surnommait le "de Gaulle grec". D'ailleurs, les fondations Charles de Gaulle et Constantin Caramanlis organisent en commun des colloques auxquels vous participez régulièrement. Peut-on dire que l'exemple de ces deux grands hommes inspire aujourd'hui votre action ?

Costas Caramanlis - Constantin Caramanlis et Charles de Gaulle étaient, à la fois, des réalistes et des visionnaires. Ils avaient, l'un et l'autre, une certaine idée de la nation, mais ils avaient aussi compris très tôt l'importance de l'unification de l'Europe dans un monde de plus en plus imprévisible et instable. Finalement, l'Histoire leur a donné raison. Pour ma part, je n'oublie pas que, si la Grèce fait partie de l'Union européenne, c'est grâce à Constantin Caramanlis. Aujourd'hui, notre conception de l'Europe est celle d'une Europe unie de nature fédérative dans laquelle le droit inconditionnel de chaque pays membre à une représentation politique égale sera préservé.
J. C. - Si l'on en croit les derniers sondages, la Nouvelle Démocratie devrait remporter les prochaines élections législatives. Quelles sont les mesures que vous prendrez aussitôt nommé premier ministre ? Allez-vous appliquer un programme d'inspiration libérale ?
C. C. - François Mitterrand avait coutume de dire que la politique est l'art de manier les symboles. Il n'empêche : les symboles ne peuvent se substituer à l'action politique, pas plus que les " étiquettes " ne sauraient rendre compte de la dynamique de la réalité sociale. En clair, je ne renie pas mon héritage idéologique, mes racines libérales, mais la Grèce que nous voulons est celle de l'égalité des chances et de la justice sociale - une Grèce capable de produire de la richesse pour tous. C'est pourquoi l'expression qui définit le mieux le programme de la Nouvelle Démocratie est sans doute la " politique du juste milieu ".
J. C. - Très concrètement, en quoi votre politique sera-t-elle différente de celle du Pasok qui s'affiche, lui aussi, comme le parti de la justice sociale ?
C. C. - Nos priorités portent sur la refondation de l'Etat, l'éducation et le développement. En Grèce, l'Etat est littéralement rongé par la bureaucratie et l'esprit de parti. Il faut réformer l'administration et instituer un système de recrutement et de promotion au mérite pour les fonctionnaires. Les salariés du secteur public doivent être plus efficaces et mieux formés. Quant aux partis politiques, ils ne devront plus s'immiscer dans le fonctionnement des organismes publics. Deuxième chantier que nous souhaitons ouvrir au plus tôt : l'éducation nationale. La Grèce doit faire face, depuis quelques années, à une fuite des cerveaux qui nous cause un grave préjudice économique. Non seulement il faut enrayer ce phénomène, mais nous devons nous efforcer de faire de la Grèce un pôle d'attraction en matière d'enseignement qui soit capable d'accueillir des étudiants venus des pays balkaniques et du Proche-Orient. Dans cette optique, nous prévoyons une augmentation progressive des dépenses, notamment pour l'apprentissage des nouvelles technologies. La Nouvelle Démocratie mettra également en œuvre une vaste réforme fiscale qui simplifiera …