Henri Lepage - Lorsque vous vous êtes installé dans ce bureau de la Banque centrale européenne, au centre de Francfort, qu'avez-vous ressenti ? Un sentiment de fierté ? L'euphorie de la puissance ? L'inquiétude d'un nouveau défi à surmonter ?
Jean-Claude Trichet - Un sentiment de responsabilité avant tout. J'ai surtout été très impressionné de me retrouver au cœur de l'institution qui incarne un projet extraordinairement ambitieux, sans précédent historique. Nombreux, hors d'Europe, étaient ceux qui croyaient qu'il ne pourrait jamais être réalisé.
H. L. - Comment définiriez-vous votre mission ? Quel sera l'indicateur de votre réussite ou de votre échec ?
J.-C. T. - Les banques centrales sont des institutions relativement faciles à juger : nos démocraties politiques nous demandent d'assurer la stabilité des prix et, par la stabilité des prix en particulier, autant que possible la stabilité financière. L'opinion publique peut apprécier nos performances en fonction de ces critères dont le premier est arithmétique et publié tous les mois. Je connais peu d'institutions pour lesquelles le problème de la mesure du résultat - et du compte rendu responsable devant l'opinion - se pose en des termes aussi simples !
H. L. - Qui va vous juger ?
J.-C. T. - L'opinion publique est, en dernière analyse, notre juge. Je vous rappelle que la Banque centrale européenne est une institution indépendante par la volonté de nos démocraties politiques européennes. Nous entretenons un dialogue très étroit avec le Conseil, la Commission et le Parlement européen. Nos relations avec le Parlement, en particulier, sont très étroites, comme aux Etats-Unis. Mais nous ne sommes responsables devant aucune institution politique. Nous sommes responsables devant la large opinion. La question est de savoir si nous offrons aux citoyens d'Europe, de la zone euro, ce qu'ils sont en droit d'attendre de nous ; s'ils sont satisfaits de la stabilité des prix que nous leur procurons ; s'ils ont confiance dans notre capacité d'assurer cette stabilité ; s'ils ont confiance tout court. La confiance est la clé de tout en matière monétaire. Et c'est une condition absolument nécessaire du succès économique, de la croissance et de l'emploi.
H. L. - Alors que l'économie américaine est en pleine reprise, l'économie européenne, elle, reste à la traîne et a bien du mal à sortir de la récession. Pourtant, c'est le dollar qui baisse et l'euro qui monte. Comment expliquez-vous cette étrange situation ?
J.-C. T. - Fort heureusement, au moment où je vous parle, l'économie européenne donne des preuves de son retour à une croissance significative. Et, s'agissant de la France, les dernières prévisions de l'INSEE - qui avaient d'ailleurs, je le note au passage, été précédées à la rentrée de septembre par des enquêtes de la Banque de France beaucoup plus positives qu'auparavant - illustrent bien ce redémarrage. Il faut naturellement rester très prudent car beaucoup de facteurs se conjuguent pour déterminer la conjoncture, y compris des facteurs totalement indépendants des Européens. Ce qu'il faut, de notre côté, c'est tout faire pour élever le niveau de la …
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