Jamais Hugo Chavez, auteur d'une tentative de putsch en 1992, puis élu démocratiquement en décembre 1998 et réélu en juillet 2002 pour six ans, n'a paru aussi menacé. En effet, les classes aisées, les Eglises, les milieux d'affaires et les grands propriétaires terriens ont juré de se débarrasser de ce chantre inspiré de la révolution bolivarienne dont le discours et la pratique heurtent directement leurs intérêts. Mais l'homme a la peau dure.
Ecarté du pouvoir pendant quelques heures à la suite d'un coup d'Etat avorté en avril 2002, il a surmonté trois grèves générales, dont la dernière, début 2003, a duré deux mois. Adossée à des médias privés qui lui sont entièrement dévoués, l'opposition ne désarme pas : n'ayant pas réussi à chasser le président par la force, elle essaie aujourd'hui d'obtenir sa démission par la voie constitutionnelle. Un référendum pourrait être prochainement organisé, qui déciderait de son maintien ou non à la tête de l'Etat. Décrié par ses adversaires, qui lui reprochent son populisme et sa vision conflictuelle de la politique, Hugo Chavez peut néanmoins compter sur le soutien des plus pauvres. Des masses démunies aux yeux desquelles il continue d'incarner l'espoir d'une vie meilleure et la renaissance de l'identité latino-américaine. Parviendra-t-il à triompher des pièges qu'on lui tend ? Les mois qui viennent seront, à cet égard, décisifs.
Patrick Wajsman - Monsieur le Président, il y a quelques années, je vous ai demandé comment vous vous définissiez, et vous m'avez répondu, en citant Bolivar : " Je suis un fétu de paille entraîné par le torrent révolutionnaire. " Vous reconnaissez-vous toujours dans cette définition ?
Hugo Chavez - En partie oui. Si je disais cela, c'est que je ne crois pas au rôle prépondérant des individus dans l'Histoire. J'adhère à la conception philosophique selon laquelle ce n'est pas l'individu qui est essentiel, mais la collectivité. Bien sûr, je suis beaucoup plus qu'une paille, je suis un soldat. Le soldat d'un peuple et d'une révolution.
P. W. - Vous avez fait inscrire dans la Constitution une clause qui permet de révoquer le président par voie de référendum. Cette clause était-elle, finalement, une bonne idée ?
H. C. - Oui, c'était une idée extraordinaire. Vous parlez du référendum révocatoire, mais notre réforme va bien au-delà. Nous avons également instauré le référendum consultatif, qui permet de tâter le pouls de l'opinion avant de prendre des décisions essentielles pour l'avenir. Ensuite, nous avons le référendum approbatif, qui sert à valider une loi votée par le Parlement. A l'inverse, le référendum abrogatif vise à supprimer une loi ou certaines de ses dispositions. Cette panoplie de consultations populaires fait partie d'un nouveau système politique : la démocratie bolivarienne. En permettant au peuple de participer directement à la prise de décision, nous déjouons le piège de la démocratie représentative. En Amérique latine, les oligarchies ont enchaîné les peuples avec la démocratie représentative ! Mais aujourd'hui, plus que jamais, je suis confiant.
P. W. - Est-ce que vous diriez, Monsieur le Président, que ceux qui étaient derrière le coup d'Etat d'avril 2002 et derrière la grève de l'industrie pétrolière de décembre 2002 sont les mêmes que ceux qui, aujourd'hui, cherchent à vous chasser du pouvoir ? Qui sont vos adversaires ? A quelle catégorie sociale appartiennent-ils ?
H. C. - Il ne faut pas oublier qu'au Venezuela nous sommes en présence de ce que Gramsci appelait une crise historique. Quelque chose est en train de mourir et n'en finit pas de mourir. Quelque chose d'autre est en train de naître et n'en finit pas de naître. Ceux qui ont essayé de me déloger par un coup d'Etat ont réussi pendant 47 heures. Ensuite, ils ont été balayés. Je crois qu'ils n'ont pas eu le temps de s'asseoir à la place d'où je vous parle ou de prendre le soleil à l'extérieur ! Ils n'ont même pas eu le temps de boire un café ! Ce sont exactement les mêmes qui ont organisé cette campagne en faveur du référendum révocatoire. Ils sont les ultimes représentants d'une espèce en voie d'extinction. Ce sont les survivants du pacte de Punto Fijo qui, pendant un demi-siècle, a régi le Venezuela. Ce pacte tire son nom de la villa dans laquelle s'étaient réunis, en 1958, les représentants des grandes familles du pays et leurs alliés pour se partager le pouvoir. Il …
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