Les Grands de ce monde s'expriment dans

Italie : plaidoyer pour l'Europe

Richard Heuzé - Comment résumer votre parcours depuis votre répudiation du néo-fascisme, en janvier 1995, jusqu'à votre entrée, en juin 2001, dans le gouvernement de Silvio Berlusconi ?
Gianfranco Fini - J'appartiens à une génération née après guerre qui n'a connu que des régimes démocratiques. Nous avons respiré cette liberté dès les premières heures de notre vie. Même le Mouvement social italien, dont j'ai été secrétaire général, était un parti démocratique. En 1993, un changement radical s'est produit en Italie : la Démocratie chrétienne (DC) a disparu sous les coups de boutoir de l'opération " mains propres ". Deux ans auparavant, à la suite de la chute du mur de Berlin, le Parti communiste italien avait, lui aussi, connu une mutation historique et changé de nom. L'action conjointe de l'Histoire et des enquêtes judiciaires a entraîné la disparition de ces deux partis traditionnels. C'est dans ce contexte que le maire de Rome est élu pour la première fois au suffrage universel direct en novembre 1993. Je me présente, et 47 Romains sur 100 m'accordent leur confiance. J'ai senti, à ce moment-là, que j'étais investi d'une responsabilité nouvelle et que je devais projeter mon mouvement politique vers l'avenir, en faire une formation capable de s'associer à d'autres partis. C'est d'ailleurs pourquoi nous l'avons appelé " Alliance nationale ". Avant tous les autres, nous avions compris que la politique italienne se dirigeait vers une logique bipolaire de coalition. Au sein de l'Alliance coexistent diverses tendances, des héritiers du MSI au courant démocrate-chrétien.
R. H. - Au congrès de Bologne, en novembre 2002, vous avez résolument ancré l'Alliance nationale à droite. N'est-ce pas un choix réducteur dans un pays où, depuis cinquante ans, la vie politique s'organise au centre ?
G. F. - C'est, en effet, un parti de droite, mais qui regarde vers le centre. Je suis convaincu qu'en politique les faits comptent plus que les paroles. Aujourd'hui, dix ans après les élections de Rome où nous sommes apparus au grand jour, tout le monde en Europe s'est aperçu que nous n'avons rien à voir avec les droites racistes et xénophobes à la Le Pen ou à la Haider - dont le prototype, en Italie, est la Ligue du Nord.
R. H. - Votre déclaration de repentance, lors de votre visite en Israël, en novembre dernier, a impressionné par sa vigueur. Évoquant les lois raciales adoptées en 1938 par Mussolini, vous avez dénoncé les " pages les plus honteuses de notre passé ". Était-ce un geste improvisé, suscité par le lieu du mémorial Yad Vashem et par l'émotion du moment ?
G. F. - Absolument pas. C'était l'aboutissement d'un long processus de maturation qui a commencé lors de notre congrès fondateur de Fiuggi en janvier 1995. Les thèses du congrès condamnaient déjà les lois raciales. Le gouvernement israélien, qui m'avait invité, était d'ailleurs parfaitement conscient du long chemin que j'avais accompli.
R. H. - À propos du mur qui séparera bientôt Israël des territoires occupés, vous avez exprimé votre approbation en des …