Il était communément admis que l'islam fournissait un cadre clair à l'intérieur duquel toutes les questions de société pouvaient être discutées et réglées par le biais de consultations feutrées conduites en coulisses entre les dirigeants et les oulémas. Dès lors, pourquoi aurait-on intégré le commun des mortels (al-awwam) à ce processus (2) ? Et si un problème s'avérait trop complexe ou trop controversé pour être résolu, il suffisait de le mettre en veilleuse... et d'attendre.
S'il était toujours en vie, nul doute que le cheik Ben Baz serait horrifié par la véritable explosion du débat politique que connaît aujourd'hui le Royaume. Des dizaines de clubs de débats non officiels sont apparus dans les grandes villes, et la politique est devenue le principal sujet de conversation dans les foyers, les salons de thé, les bureaux et les conclaves tribaux.
Conséquence de cette " explosion politique " : un grand nombre de mots et de phrases jusque-là bannis se sont imposés dans la langue quotidienne (3).
L'effet de l'" ouverture " (infitah) politique se fait également sentir dans les médias saoudiens. Si la télévision et la radio d'État sont restées impénétrables au changement, la presse, elle, fait à présent montre d'un professionnalisme et d'une analyse critique encore inimaginables il y a un an (4).
Même si l'ouverture politique que connaît actuellement l'Arabie saoudite est due principalement à la libération d'une pression intérieure accumulée pendant des décennies, il est indéniable que certains phénomènes extérieurs ont, eux aussi, contribué à ébranler le Royaume.
Le premier de ces chocs vint des attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis. Au début, les Saoudiens ne surent que penser en constatant que quinze des dix-neuf pirates de l'air étaient leurs concitoyens, tout comme leur chef supposé, Oussama Ben Laden. Certains se rengorgèrent même de fierté à l'idée que leurs compatriotes avaient mené à bien une opération aussi complexe !
Mais, rapidement, les Saoudiens comprirent que les attentats de New York et de Washington n'étaient nullement des événements lointains qui n'auraient aucun impact sur leur propre vie. À la mi-2002, il apparut clairement que les groupes terroristes connus sous l'appellation collective d'Al-Qaida, rendus incapables par le démantèlement de leur centre de commandement en Afghanistan de commettre de nouvelles agressions contre les États-Unis et d'autres États occidentaux, allaient se tourner vers les pays musulmans. Et, surtout, vers l'Arabie saoudite elle-même.
Le second choc survint en mars 2003, avec la chute du régime de Saddam Hussein à Bagdad. Le très hétérogène mouvement islamiste terroriste international assimila la guerre de libération de l'Irak à un signal indiquant que l'affrontement entre le " véritable islam " et le " kufr " (le paganisme) se jouerait dorénavant au cœur même du monde arabe (5).
Le choc représenté par la libération de l'Irak fut accompagné par deux développements de la plus haute importance : premièrement, une série d'attaques terroristes commises contre une demi-douzaine de villes saoudiennes, dont la capitale, Riyad, engendra un sentiment d'insécurité comme jamais le Royaume n'en avait ressenti ; deuxièmement, le …
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