Les Grands de ce monde s'expriment dans

Les voix des Mollahs

Politique Internationale - Certains observateurs estiment qu'un climat " pré-révolutionnaire " règne en Iran. Qu'en pensez-vous ?
Hassan Rohani - Ce sont des affirmations gratuites. N'oubliez pas que la République islamique a été établie sur la base du vote populaire et que tous les responsables actuellement au pouvoir y sont parvenus - directement ou indirectement - par la voie des urnes ! À mon sens, ces assertions relèvent uniquement de l'imaginaire de ceux qui les colportent. Elles ne reflètent en rien la réalité.
P. I. - Selon vous, que recouvre la division entre réformateurs et conservateurs en Iran ? La trouvez-vous appropriée ?
H. R. - Là encore, ce que j'entends à l'étranger ne correspond absolument pas à ce que l'on constate sur place. Par exemple, certains dirigeants considérés en Occident comme des " réformateurs " ont pu, par le passé, apparaître comme des radicaux. Certains d'entre eux ont même participé, en 1979, à l'occupation de l'ambassade des États-Unis (1) ! En fait, sur le plan social et politique, ces " réformateurs " comptaient alors parmi les durs du nouveau pouvoir. Et vice versa pour ce qui concerne de nombreux " conservateurs " d'aujourd'hui : à l'époque, on les qualifiait de " libéraux ". Au début de la Révolution, les " conservateurs " actuels étaient favorables à l'économie libérale, tandis que ceux qui sont perçus à présent comme des " réformateurs " étaient, eux, partisans d'une économie étatisée ! Vous le voyez : il est impossible de réduire la classe politique iranienne à deux factions rivales. Le camp qualifié de " réformateur " ne comporte pas moins de dix-huit groupes différents ! Sur certains sujets, il y a une convergence de vues, sur d'autres non. Le même constat vaut pour le camp " conservateur ", au sein duquel coexistent plusieurs courants. Je tiens également à attirer votre attention sur une évolution importante : ces dernières années, un courant centriste (2) a émergé dans le pays. Des coalitions politiques sont même en train de s'assembler autour de cette sensibilité. Bref, il ne faut pas schématiser ! Personnellement, je considère que la formation des partis est un problème crucial. Ce processus n'est pas encore mûr et ne ressemble pas - vous vous en doutez - à ce qui se fait en Occident ; mais l'Iran est sur la bonne voie.
P. I. - Ces derniers mois, le président Khatami a évoqué, à plusieurs reprises, l'éventualité de sa démission ; dans le même temps, les législatives du 20 février ont permis au camp conservateur de marquer des points. Peut-on dire que les réformateurs ont échoué dans leur projet d'établir une " démocratie islamique " ?
H. R. - Je ne reviens pas sur votre distinction entre " réformateurs " et " conservateurs ". Ce qui est clair, en tout cas, c'est que les rumeurs concernant la démission de M. Khatami ne sont que des affabulations. Quant au concept de " démocratie islamique ", il n'est nullement l'apanage d'une seule partie de la classe …