Les Grands de ce monde s'expriment dans

Pologne la folie des grandeurs

Arielle Thédrel - Vous avez été, en 1989, le premier chef de gouvernement non communiste en Europe de l'Est. Quinze ans après, que représente pour vous l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne ?
Tadeusz Mazowiecki - Un immense enjeu historique. Si l'on nous avait dit, à nous Polonais, il y a vingt ans, qu'un jour l'Europe ne serait plus divisée, nous aurions pris cela pour une blague et, en même temps, nous aurions été prêts à payer le prix fort pour que ce scénario se concrétise. En 1989, quand je suis devenu premier ministre, j'étais convaincu qu'il fallait orienter tous nos efforts vers cet objectif. Et ce qui était alors une simple hypothèse politique devient réalité aujourd'hui. Pourtant, je suis préoccupé parce que je ne peux pas ignorer les difficultés qui surgissent. Ce qui m'inquiète le plus, voyez-vous, ce sont ces carences de communication entre les anciens États membres de l'Union et les nouveaux venus. Cette crise de confiance mutuelle me semble très grave. Je sais bien que l'Union européenne n'est pas une construction idéale, qu'il y existe des conflits d'intérêts, mais, à mon avis, cette grande Europe ne sera pas viable sans un minimum de confiance. Alors maintenant, cessons de nous renvoyer la balle sur la responsabilité de la crise et essayons de trouver les bases de cette confiance. Nous devons raisonner sur le long terme. L'intégration de dix nouveaux pays, ce n'est pas seulement le cinquième élargissement de l'Union européenne, c'est l'unification de l'Europe ! C'est cela qu'il faut expliquer à nos concitoyens. Il faut leur inculquer les valeurs économiques de cette grande Europe, mais aussi leur expliquer sa dimension culturelle, quels peuvent être son avenir et sa place dans le monde. Et il me semble que cette mission incombe aux hommes politiques. Il leur revient de préparer ce processus et non pas de lui nuire.
A. T. - Comme ils le font actuellement ?
T. M. - Exactement.
A. T. - Le président Kwasniewski a estimé, au début de l'année, que la Pologne avait atteint tous ses objectifs fixés après la chute du communisme. Partagez-vous cette opinion ?
T. M. - Le président Kwasniewski faisait allusion aux objectifs de la Pologne en matière de politique étrangère. Il avait en tête notre adhésion à l'Otan et à l'Union européenne. Quand on voit l'ampleur des divisions au sein de l'UE et les divergences de vues qui commencent à se manifester au sein de l'Alliance atlantique, on est bien obligé de se demander s'il dit vrai.
A. T. - Qu'est-ce que la Pologne, en particulier, et l'Europe de l'Est, en général, peuvent apporter à l'UE ?
T. M. - De nouveaux marchés, des expériences historiques et aussi pas mal de problèmes !
A. T. - Et qu'est-ce que ces Européens de l'Est espèrent en intégrant l'UE ?
T. M. - Ils y voient surtout une opportunité de rattrapage économique. La Pologne et l'Europe de l'Est en général vont pouvoir s'insérer dans le maelström du développement européen. L'UE devient, du …