Galia Ackerman - Monsieur le Président, en remportant triomphalement l'élection de janvier dernier, vous avez reçu en héritage une situation préoccupante. Dans les années 1970, la Géorgie était riche et prospère ; aujourd'hui, elle est économiquement ruinée et tout le pays semble dévasté. Au cours des dix années qu'aura duré le " règne " d'Édouard Chevardnadze, votre prédécesseur, le pays a été littéralement gangrené par la corruption. Et à présent que vous combattez vigoureusement ce mal, les gens ordinaires éprouvent encore plus de difficultés qu'avant à joindre les deux bouts ! Que comptez-vous faire pour sortir votre pays de la crise ? Quelles sont les réformes que vous envisagez ? Et comment allez-vous attirer des investisseurs étrangers ?
Mikhaïl Saakachvili - Vous avez raison de rappeler que, jusqu'à l'époque de la perestroïka, la Géorgie avait une classe moyenne prospère. Par surcroît, notre niveau d'éducation était tout simplement le plus élevé d'Union soviétique et l'un des premiers d'Europe de l'Est. Or, à l'heure actuelle, le PIB par habitant de notre pays est le plus bas de toute l'ex-URSS. L'année dernière, nous devancions encore le Tadjikistan mais, en 2004, ce pays nous a cédé sa dernière place ! Bien entendu, cette pauvreté provoque la désintégration du tissu social. Alors qu'à l'époque soviétique nous avions un taux d'alphabétisation de 100 %, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. 40 % des enfants qui vivent dans les campagnes géorgiennes ne vont plus à l'école et restent analphabètes. Comme vous le savez, nous avons énormément souffert des guerres au Caucase du Nord, en Tchétchénie, et sur notre propre sol, en Abkhazie et en Ossétie du Sud. À ce jour, une partie de nos communications avec la Russie restent coupées ; nous ne contrôlons plus l'Abkhazie et une partie de l'Ossétie du Sud ; et, comme si cela ne suffisait pas, nous avons, tout récemment, été confrontés à une crise en Adjarie. Une crise qui a, heureusement, connu un dénouement pacifique. Mais tout n'est pas aussi sombre : je me réjouis de voir que nos entrepreneurs se montrent très actifs. Grâce à leurs efforts, le pays redémarre. L'année dernière, la croissance économique a atteint 8,5 %, malgré la corruption ambiante et les entraves bureaucratiques. Je ne cesse de rappeler à mes interlocuteurs que la Géorgie jouit de divers atouts. Permettez-moi de les énumérer rapidement. Mon pays possède deux grands ports sur la mer Noire. Le potentiel touristique est indéniable. La construction de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan avance rapidement, et nous avons commencé de construire un nouveau gazoduc, sur le tracé Bakou-Tbilissi-Erzeroum (1). Nous avons des gisements pétroliers et, l'année prochaine, 80 % de nos besoins en la matière seront couverts grâce à notre propre pétrole. Nous disposons également de quelques autres ressources, mais je considère que la principale d'entre elles, c'est notre attractivité sur le marché des délocalisations : nous avons des ingénieurs, des informaticiens, des ouvriers, des agriculteurs très qualifiés... et nous pratiquons des salaires extrêmement bas. Il y a dix ans, ces mêmes qualités ont attiré le …
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