Marie Holzman - Monsieur Hu Ping, vous êtes le rédacteur en chef de la revue dissidente Beijing Spring. Vous êtes également l'un des acteurs les plus engagés dans la lutte pour la démocratisation de la Chine. Cette double particularité vous a amené à suivre avec passion le déroulement de l'élection présidentielle à Taiwan au printemps 2004. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur ce que ce scrutin a révélé de la situation dans l'île et sur les deux rives, de part et d'autre du détroit de Formose ?
Hu Ping - Cette élection a, une fois de plus, donné lieu à des discussions enflammées dans les milieux chinois, en Chine, à Taiwan et au sein de la diaspora. Nous avons débattu de la nature même de la consultation. S'était-elle déroulée selon un processus juste et équitable ? La fameuse tentative d'assassinat dont le président sortant Chen Shui-bian et sa vice-présidente Annette Lu ont été victimes était-elle une mise en scène ? S'agissait-il d'un complot ? Qui pouvait bien en être l'instigateur ? Avait-on voulu affecter massivement l'armée à la protection rapprochée du président afin d'empêcher les troupes de se rendre aux urnes ? Je pense qu'une bonne partie de ces questions resteront sans réponse, au moins pendant quelque temps. Nous avons également constaté qu'une véritable fêlure sociale était en train de se creuser entre ce qu'il est convenu d'appeler le " clan bleu " (essentiellement composé du parti nationaliste Kuomintang (KMT)) et le " clan vert " (rassemblé autour du Parti démocratique progressiste et du président sortant). Cette fêlure est sur le point de devenir un drame qui touche l'ensemble des citoyens et pas seulement les politiciens. Nous nous sommes, enfin, penchés sur les conséquences des tensions entre les deux rives du détroit de Formose sur le plan international. En fait, ces trois aspects du débat sont si fortement imbriqués les uns dans les autres qu'il est difficile de les démêler ! Mais il me semble important de redéfinir clairement les données du problème avant de nous lancer dans de quelconques conjectures.
M. H. - Alors, allons-y ! Commençons par le début : Taiwan est-il un pays souverain ou fait-il partie intégrante de la Chine ?
H. P. - Une majorité écrasante de Taiwanais considèrent leur pays comme un pays souverain. Ils disent : " Nous avons notre terre, notre peuple, notre gouvernement, notre armée, notre monnaie, notre drapeau. Nous avons des douanes. Nous délivrons des visas. Nous pouvons échanger notre monnaie à l'étranger et notre administration gouvernementale est parfaitement structurée. " Le vrai problème de Taiwan vient du fait qu'il a été exclu des instances de l'ONU et que, du coup, ses relations avec le reste du monde sont extrêmement difficiles pour des raisons purement techniques. Faut-il, pour autant, continuer à nier que Taiwan est un pays à part entière ? Il n'est écrit nulle part qu'un pays doit être reconnu par un nombre minimal d'États avant d'être considéré comme souverain. Et faut-il nécessairement siéger à l'ONU ? Au début …
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