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Belgrade - Moscou : "Soft diplomatie" à la française

S'il est deux pays qui suscitent chez les diplomates français des approches et des politiques similaires, c'est bien la Russie et la Serbie. Depuis plus d'un siècle, la France y entretient des amitiés particulières qui ont toujours pesé sur ses choix diplomatiques. À l'heure de la chute du communisme et dans les années qui ont suivi, ces tropismes anciens ont contribué à l'aveuglement et aux erreurs de notre politique étrangère vis-à-vis de Moscou comme de Belgrade. Curieusement, aujourd'hui, malgré les échecs passés, la France se retrouve à nouveau à contretemps : elle continue - par inertie, par conservatisme ou par anti-américanisme - d'offrir des chèques en blanc à des régimes nationalistes ou autoritaires.
Cette similitude de traitement n'est pas si étonnante : la Russie et la Serbie se ressemblent étrangement. Elles appartiennent toutes deux au monde slave et orthodoxe, dont elles ont toujours été deux phares. Peuples messianiques, choisis par Dieu pour faire rempart de leurs corps face à l'ennemi tatare ou ottoman, Russes et Serbes se voient comme les sacrifiés de l'Histoire. L'épopée nationale se nourrit de l'imagerie des grandes batailles symbolisant ce combat. Bataille du champ des bécasses (Kulikovo Pole) face aux Mongols pour les Russes. Défaite du champ des merles (Kosovo Polje), célébrée comme une victoire remportée contre les Turcs, pour les Serbes.
Ces deux pays ont également en commun d'avoir été les maîtres de deux " fausses " fédérations, l'URSS et la Yougoslavie, qu'ils ont totalement dominées à l'époque communiste. Quand le communisme s'effondra, en 1991, c'est donc contre les Serbes et les Russes que se sont soulevées les nations ou les minorités longtemps restées sous leur contrôle. Une rébellion que les deux " grands frères " ont ressentie comme un désaveu et un désastre. Cette frustration a nourri, dès lors, un sentiment anti-occidental qui continue de hanter les esprits dans les deux pays. En effet, en Russie et - partiellement - en Serbie, l'Occident est rendu responsable de la perte de puissance qu'a entraînée la fin de la guerre froide.
Au moment crucial de l'explosion des deux fédérations communistes, leurs chemins ont toutefois semblé diverger radicalement. À Moscou, le tsar démocrate Boris Eltsine parvient au pouvoir en défendant les autres nations de l'empire et en reconnaissant d'emblée leur indépendance. Il soutient tout particulièrement les pays baltes et l'Ukraine, laquelle forme avec Moscou l'axe majeur de la fédération soviétique. À Belgrade, en revanche, Slobodan Milosevic, soucieux de se maintenir au pouvoir, exacerbe le nationalisme serbe et choisit la guerre pour imposer la " grande Serbie " aux autres nations. Loin de reconnaître l'indépendance de la Croatie, qui occupe en Yougoslavie la place de l'Ukraine en URSS, il envoie ses troupes en Slavonie et en Krajina.
Mais - comme si la nature impériale de ces peuples reprenait toujours le dessus sur leurs choix politiques - les chemins de Moscou et de Belgrade vont à nouveau converger. Confrontés à des rébellions au Kosovo et en Tchétchénie, Milosevic et Eltsine choisissent la force... et l'embourbement.
Aujourd'hui encore, la Russie …