Pour nous, cet automne restera marqué par le Prix du Courage Politique que notre Revue a remis au Pape Jean-Paul II en personne. Au Vatican.
Ce Prix - que nous avions décerné, jadis, à des personnalités telles que Frederik De Klerk et Anouar el-Sadate - récompense l'œuvre terrestre du Saint Père, son œuvre diplomatique et humanitaire. Un Prix que nul ne méritait plus que lui.
Dans un monde où l'accommodement avec l'agresseur (ou l'oppresseur) est souvent considéré comme une forme de " réalisme ", voire de sagesse ; dans un monde où l'on a un peu trop tendance à se prosterner devant le statu quo, même s'il est inique et indéfendable ; dans ce monde-là, Jean-Paul II a fait mûrir l'esprit de résistance.
Son " n'ayez pas peur ", adressé dès 1978 à ses compatriotes polonais, a porté, en réalité, bien au-delà de la Pologne. Et chacun reconnaît aujourd'hui le rôle décisif qu'il a joué dans l'effondrement du communisme en Europe et le démantèlement de l'empire soviétique - et cela, répétons-le, en un temps où la bienséance consistait à " ne pas faire de vagues " et à sacrifier, sans trop de remords, la justice à la stabilité. Jean-Paul II, c'est le contraire de l'abandon, c'est le contraire de l'esprit de Munich.
Partout, et pas seulement en Europe, on l'a entendu redonner confiance aux oubliés de l'Histoire, dénoncer à voix haute les dictatures et les tyrannies, de gauche comme de droite - de Castro à Pinochet. À tous il a répété que l'homme est la seule légitimité et la seule finalité du pouvoir ; qu'aucun régime n'est éternel ; et qu'on ne saurait fabriquer impunément une symétrie factice entre le Bien et le Mal.
À ce prophète " désarmé " qui nous démontre depuis vingt-cinq ans qu'il n'y a pas de limites à ce que la volonté peut accomplir, à cet homme qui a fait tant de fois la preuve que l'on
peut apprivoiser l'impossible, nous sommes fiers d'avoir offert notre Prix. Quelles que soient nos convictions philosophiques et nos croyances, Jean-Paul II est, pour nous, une étoile dans la nuit...
Mais la vie continue. Il me faut donc, sans plus tarder, rappeler à nos lecteurs que ce Numéro d'automne s'efforce de satisfaire leur curiosité sur la plupart des grands sujets du trimestre : ambitions américaines ; menaces nord-coréennes ; impatiences turques ; turbulences irakiennes ; reconstruction afghane ; détresses africaines ; affrontements israélo-palestiniens...
Sans oublier, bien sûr, les questions transversales qui occupent, elles aussi, la Une des journaux : recrudescence du trafic de drogue, hausse du prix du pétrole, tâtonnements de la justice internationale...
Pour évaluer de tels enjeux, nous avons fait appel, comme à l'accoutumée, à ceux qui " font " l'actualité (de Silvio Berlusconi à Ariel Sharon) et à ceux qui la décryptent. Aux acteurs et aux experts. Les uns et les autres s'expriment ici en toute liberté et sans jamais recourir à la langue de bois.
Un dernier mot pour signaler que nous publions, avec ce Numéro d'automne, un substantiel " Supplément Roumanie " (coordonné par notre ami Mihnea Berindei). Cet attachant et courageux pays francophile se trouve à la croisée des chemins : le 17 décembre 2004, on saura s'il a de bonnes chances d'entrer dans l'Union européenne en 2007 ou s'il lui faut encore attendre des jours meilleurs.
Le Premier ministre Adrian Nastase, le Président Ion Iliescu - et bien d'autres prestigieux contributeurs - nous livrent, en avant-première, leur avis éclairé.
Puisque ce Numéro est placé, en quelque sorte, sous le signe du courage politique, qu'il me soit permis, en guise de
conclusion, de citer cette jolie phrase d'Alexandre de Marenches : " Ceux qui n'ont pas de courage ne savent pas ce qu'ils perdent. "
Voilà. Tout est dit.
À toutes et à tous : bonne lecture.