Le 31 août 2004, le procès de Slobodan Milosevic, ouvert en février 2002, est entré, semble-t-il, dans sa dernière ligne droite. Avant que n'intervienne le jugement, Milosevic dispose de 150 jours pour présenter sa défense. L'ancien président yougoslave réclame la comparution de 1 631 témoins. Une fois cette étape achevée, le procès pourrait être clos fin 2005.
Que de désillusions derrière tout cela ! Ce procès est le premier d'un ancien chef d'État. Pour la première fois dans l'Histoire, un homme ayant exercé un pouvoir suprême, sans limites, est contraint d'expliquer sa conduite devant un tribunal, qui peut le condamner à la prison à vie. Ce procès doit ouvrir une nouvelle ère pour l'humanité : désormais, tout individu commettant des crimes dans l'exercice de fonctions étatiques peut être jugé et puni. Mais l'Histoire est toujours complexe. Milosevic et ses conseillers utilisent habilement les procédures pour faire traîner les débats. Le dossier atteint les 30 000 pages. Le temps passant, les opinions se lassent et ne comprennent plus très bien les raisons du procès, les massacres se chassant les uns les autres. Toute cette procédure coûte très cher : 120 millions de dollars par an ! Les États-Unis, qui jouent un rôle moteur dans toute l'affaire, veulent en finir. Mais la justice est la justice, avec ses mécanismes minutieux et incontournables.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Ce dicton s'applique à tous les domaines de la vie humaine, y compris aux relations internationales. À la fin des années 1980, le droit d'ingérence est censé assurer que toute population dans le malheur sera secourue par la communauté internationale ; or l'expérience montre que l'ingérence (comme, d'ailleurs, son symétrique et opposé, la souveraineté étatique) justifie le meilleur et le pire, les États n'étant pas des œuvres caritatives mais des monstres froids avec des intérêts à défendre. De même, parmi tous ces changements devant réaliser le paradis sur Terre figure, depuis la décennie 1990, la mise sur pied de mécanismes juridictionnels destinés à juger les crimes d'État. Peut être défini comme crime d'État tout crime (massacre, déportation...) commis par des individus assumant le pouvoir politique et mettant ce pouvoir à leur service pour accomplir ce crime. Tous ceux qui, dans l'exercice de leurs fonctions, commettront des crimes, doivent être inculpés et jugés (selon le principe de la responsabilité pénale individuelle).
La justice n'est pas donnée par Dieu, c'est une invention incertaine et laborieuse des hommes, résultant de motifs très concrets : afin de réduire le désordre du monde et d'aller au-delà de l'instinct (œil pour œil, dent pour dent), les sociétés édifient des formes de justice, avec des juges et des tribunaux, ceux-ci ayant pour mission de sanctionner les violations des règles ressenties comme fondamentales. Les hommes sont privés du droit de se venger ; en contrepartie, la société poursuit et punit le crime. La justice pénale internationale illustre cette problématique. L'univers des États est constitué comme une jungle, chaque État étant maître de la force et ainsi ayant la capacité de se venger, …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles