Les Grands de ce monde s'expriment dans

Un goulag si discret...

Je tiens David Douillet, l'ancien champion olympique français de judo, pour un garçon sympathique. Et ses commentaires sur TF1 des épreuves des Jeux d'Athènes ne manquaient pas de fraîcheur. Mais, quand il s'émerveilla de voir les deux délégations coréennes, celle du Sud et celle du Nord, défiler côte à côte, il parut un rien naïf. Car, si la Corée du Nord évitait ainsi de se présenter seule, c'est qu'elle savait qu'il serait difficile pour les spectateurs d'applaudir les représentants d'un pays qui tourne totalement le dos aux valeurs consensuelles et humanistes de l'olympisme. Un pays qui fabrique et exporte des produits autrement plus dangereux que les dopants les plus toxiques ; qui organise, pour ses citoyens candidats à l'exil, des courses d'obstacles fort risquées sur sa frontière nord ; et qui n'hésite pas à enfermer derrière des barbelés les joueurs de football récalcitrants (1).
Le camp où fut interné Park Seung-jin, gloire du football nord-coréen et héros de la Coupe du monde 1966, est le camp no 15 de Yodok, situé à environ trois cents kilomètres au nord-est de Pyongyang. C'est probablement l'un des deux camps les plus connus à l'étranger, avec le camp no 22 de Hoeryong (2). Sur ces sinistres lieux de détention, plusieurs témoignages ont récemment paru en Occident. Ils permettent de mieux saisir l'ampleur du phénomène concentrationnaire nord-coréen, sa diversité et son horreur : ces deux énormes complexes abritent de 30 à 50 000 personnes, pour l'essentiel des parents de " criminels politiques ". Les conditions d'enfermement semblent plus dures dans le second que dans le premier. Des atrocités y auraient été commises, notamment des expériences médicales sur des cobayes humains. D'autres camps sont plus petits. Certains, comme le no 18, autorisent une minorité de détenus à correspondre avec l'extérieur. Mais la plupart leur refusent ce traitement de faveur.
Comme les camps nazis, soviétiques ou chinois, les camps nord-coréens font partie intégrante d'un système spécifique, tant par la violence barbare infligée aux détenus que par certaines caractéristiques organisationnelles (3).
Le système concentrationnaire
Les grands camps
Il y a d'abord les camps de concentration proprement dits, les kwan-li-so, qu'on peut approximativement traduire par " camps contrôlés ", mais que les officiels nord-coréens appellent aussi " zone soumise à dictature spéciale " ou " camps de concentration pour détenus politiques ". Administrés en général par la police politique (kouk-kabo-wibou ou Agence pour la sécurité nationale), ils sont au fond peu nombreux puisqu'on en compte aujourd'hui huit : Hoeryung (camp no 22) et Duksung (camp no 18), Hwasong (camp no 16) et Chongjin (no 25) dans l'extrême nord-est du pays (4) ; Hoechung (camp no 10) et Yodok (camp no 15) dans le centre ; Yonbyung et Kaechung (camp no 14), au nord-ouest. Certains camps ont été fermés à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sans que l'on sache bien pourquoi.
Les détenus des grands camps sont en général considérés comme des " politiques ". Naturellement, le caractère politique de leur faute doit être …