Les résultats de l'élection présidentielle d'octobre 2004 et, plus encore, ceux des élections législatives du printemps 2005 pourraient être faussés par l'injection massive d'argent issu du trafic de drogue dans la campagne. C'est la conclusion à laquelle sont parvenus de nombreux observateurs - avant même que l'Office contre la drogue et le crime (ODC), un organe spécialisé des Nations unies, ne rende public, à l'automne, son rapport annuel sur la situation des drogues en 2004.
En 2003, la production d'opium avait été de 3 600 tonnes (de quoi fabriquer 300 tonnes d'héroïne pure) - soit une augmentation de 6 % par rapport à l'année précédente et la même quantité qu'en 2000, avant l'interdiction quasi totale
de la culture du pavot promulguée par les taliban dans les territoires sous leur contrôle. Des " fuites " laissent entendre que l'augmentation de la production d'opium en 2004 par rapport à 2003 aurait été au minimum de 20 % (soit 4 320 tonnes, c'est-à-dire une quantité proche de celle de 1999, année record). Selon d'autres sources, la production pourrait même dépasser 5 000 tonnes.
Cette explosion de la production d'opium - et de celle de haschisch qui, elle aussi, augmente chaque année - a un impact extrêmement négatif tant sur le plan économique que sur le plan politique. Au début du mois de mai 2004, la Banque asiatique de développement avait solennellement averti la communauté internationale que " les problèmes de sécurité aggravés par le trafic de drogue étaient le principal obstacle à la reconstruction
de l'Afghanistan ". Ce constat signifie que non seulement les revenus de la drogue sont susceptibles de financer l'opposition armée des taliban mais, également, que ces revenus servent à renforcer l'autonomie des potentats locaux et, par là même, la fragmentation du pays.
L'argent de la drogue est aussi un obstacle à la remise en route de l'économie. Le rapport de l'ODC pour l'année 2003 établissait que les revenus locaux de la production et du trafic des opiacés représentaient 2,3 milliards de dollars, soit 50 % du PIB - une dépendance qui risquait, selon l'ODC, de transformer le pays en un véritable " narco-État ". L'aspect le plus inquiétant pour l'avenir proche résidait dans le fait que 28 provinces sur 32 étaient touchées, alors qu'elles n'étaient que 18 en 1999 (1). Lors de sa visite à Kaboul au mois d'août 2004, le secrétaire à la Défense des États-Unis, Donald Rumsfeld, a dit craindre que l'argent utilisé pour lutter contre la drogue ne finisse " entre les mains de gens qui veulent détruire la démocratie - celles des taliban ou d'Al-Qaïda ".
Le retour en force de l'économie de la drogue depuis 2002 a, en effet, provoqué des frictions, d'une part entre les alliés et le gouvernement afghan et, d'autre part, entre les alliés eux-mêmes. Ainsi, le 6 mai, le représentant du Foreign Office Bill Rammell estimait que les efforts du gouvernement afghan, trop intermittents (pachy), étaient " décevants ". Manière de se défausser en réponse aux critiques de Robert Charles, …
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