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Liban : quand Damas va trop loin...

Un coup de force de trop

Des politiciens dévoués, la Syrie n'en manque pourtant pas au Liban. Depuis la signature, en octobre 1989 de l'accord de Taëf qui a réformé la Constitution et mis fin à l'interminable guerre civile, Damas a toujours réussi à imposer au Parlement libanais les présidents qu'elle avait choisis. En 1998, elle avait préféré Émile Lahoud, alors chef d'état-major des forces armées. À l'époque, déjà, le texte constitutionnel interdisait à un militaire d'occuper des fonctions civiles. Mais cela n'empêcha pas Damas de dicter sa volonté au Parlement et de le contraindre à modifier la Loi fondamentale ! Depuis, le président Lahoud a-t-il à ce point donné satisfaction au pouvoir syrien que ce dernier désirât le maintenir coûte que coûte à son poste ? En réalité, celui-ci lui est apparu comme le meilleur choix possible : l'homme contrôle étroitement l'armée et les services secrets ; il a de bonnes relations avec le Hezbollah ; il connaît tous les arcanes de la vie politique libanaise. De plus, dans la coalition prosyrienne qui se partage le pouvoir à Beyrouth, des fissures étaient apparues, qui avaient éveillé la méfiance de Damas. En tout cas, la décision d'étendre son mandat est intervenue après des mois de manœuvres, de spéculations et de rumeurs pendant lesquels Bachar el-Assad a pu prendre le pouls de ses protégés libanais.
Ce nouvel accroc à la Constitution libanaise va mettre le feu aux poudres. Washington, qui a des comptes à régler avec le régime syrien, et Paris, d'ordinaire beaucoup plus souple, réagissent avec vigueur en apprenant les intentions syriennes. Les deux capitales brandissent même la menace d'une résolution du Conseil de sécurité si le pouvoir libanais et son tuteur syrien persistent à prolonger arbitrairement le mandat du président sortant.
Rien n'y fait : le régime syrien refuse toute concession. De son côté, le président Lahoud justifie son maintien au pouvoir par " la situation exceptionnelle et délicate " qui prévaut dans la région. La France et les États-Unis en prennent acte. Initiée par leurs diplomaties, la résolution 1559 est adoptée le 2 septembre 2004 par le Conseil de sécurité (1). C'est la première fois depuis les accords de Taëf que la question libanaise revient sur le devant de la scène onusienne. La résolution appelle - sans la nommer - la Syrie au respect de la souveraineté du Liban, à l'organisation d'un scrutin " libre ", " équitable " et " sans influence étrangère ". Elle réclame aussi le retrait des troupes étrangères - c'est-à-dire l'armée syrienne présente au Liban depuis vingt-huit ans - et le désarmement de toutes les milices - à la fois le mouvement chiite Hezbollah et les forces palestiniennes qui contrôlent toujours les principaux camps de réfugiés (2). Le Conseil va même plus loin : il menace la Syrie et son vassal libanais d'une nouvelle résolution, plus contraignante, s'ils ne se conforment pas aux injonctions onusiennes. Malgré la sévérité du réquisitoire, qui surprend de nombreuses chancelleries, et le soutien sans condition qu'apportent Londres et …