L'impasse de la première négociation
Tout avait plutôt bien commencé : en juin 2003, les Européens avaient publié à Bruxelles un document sur la lutte contre la prolifération des armes non conventionnelles (3). Ils s'étaient rendus à Téhéran en octobre, à un moment où l'AIEA était dans une impasse - l'Iran avait rejeté la résolution adoptée au Conseil des gouverneurs de septembre -, tandis que les États-Unis se débattaient dans les difficultés que l'on sait en Irak. Cette initiative diplomatique, qui devait manifester l'efficacité de solutions non militaires aux problèmes posés par la prolifération nucléaire, fournissait aux Français, aux Britanniques et aux Allemands l'occasion d'afficher leur unité quelques mois après l'opération " Iraqi Freedom ", qui les avait divisés. Elle a débouché sur la signature, le 21 octobre, d'un accord sur la suspension des activités d'enrichissement et de retraitement, salué de façon unanime. Malheureusement, l'accord n'aura duré que ce que durent les roses : l'Iran mettait fin à la suspension le 22 juin 2004 - sans doute pour fêter l'arrivée de l'été - et brisait les scellés de l'AIEA, non sans l'en avoir préalablement informée (4).
Un an plus tard, c'était le retour à la case départ : l'accord signé par Téhéran avec les Européens le 21 octobre 2003 n'avait jamais vraiment été mis en œuvre ; il était violé ouvertement depuis juin 2004 ; et l'Iran était à nouveau soumis, comme l'année précédente, à la menace à peine voilée d'un transfert du dossier au Conseil de sécurité après la réunion des gouverneurs de l'AIEA en septembre. Entre-temps, les inspecteurs internationaux avaient certes beaucoup appris sur le programme iranien passé (5), mais ils étaient toujours incapables d'en expliquer les éléments les plus sensibles (notamment les travaux entrepris par l'Iran entre 1995 et 2003 sur les centrifugeuses les plus modernes, dites P2, et l'origine des particules d'uranium enrichi prélevées sur plusieurs sites). Cette fois, cependant, l'Europe s'était rapprochée des États-Unis et considérait le transfert du dossier iranien au Conseil de sécurité comme une possibilité sérieuse, même si elle n'était pas évoquée ouvertement. Les enjeux de sécurité semblaient, eux aussi, bien compris de part et d'autre de l'Atlantique. La raison n'en était pas seulement le surcroît d'instabilité qu'une arme nucléaire iranienne représenterait dans une région qui n'en avait guère besoin. C'était aussi, après le retrait de la Corée du Nord en janvier 2003, un nouvel échec du TNP, qui risquait de faire imploser un régime multilatéral auquel l'Europe tenait tout particulièrement. Enfin, les Européens n'étaient guère rassurés par les ambitions nucléaires d'un pays dont les vecteurs ne cessaient d'accroître leur portée : la famille des missiles Shehab était désormais capable d'atteindre le Vieux Continent. La situation paraissait donc claire.
Elle ne l'était pourtant point. Car, si l'on disposait pour l'Iran d'une quantité considérable d'indices de toute nature révélant l'existence d'un programme militaire (6) - que même la Russie ne discutait plus (7) -, l'AIEA avait toujours évité soigneusement le mot de " violation " des engagements pris : elle se contentait de …
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