George W. Bush : le croisé de la démocratie

n° 107 - Printemps 2005

On dit souvent que les seconds mandats des présidents des États-Unis ressemblent rarement aux premiers : soucieux de laisser une trace dans l'Histoire après leur réélection, ils se consacreraient davantage aux affaires internationales. Cette analyse n'est pas fausse, mais elle est insuffisante. Si les présidents réélus sont si soucieux de politique étrangère, c'est surtout que leur influence sur le plan intérieur s'amenuise. La tentation de s'investir dans un domaine où ils disposent - il est vrai sous l'étroit contrôle du Congrès - d'une plus grande marge de manœuvre ainsi que d'une considération inentamée est souvent irrésistible. Les Européens se souviennent de la présidence de M. Clinton avec nostalgie. Pourtant, pendant le premier mandat de celui-ci, ils se plaignaient amèrement, tout comme les conseillers et ministres américains chargés de la politique étrangère, de la relative indifférence du président aux affaires du monde, auxquelles il professait d'ailleurs ne consacrer qu'un temps très limité et une attention sporadique. Ce n'est qu'après 1995, au moment où la faiblesse de son opposant républicain semblait lui assurer sa réélection, et où la scène intérieure devenait difficilement respirable, que M. Clinton s'est réellement impliqué dans la politique extérieure de son pays. Ce modèle n'est pas unique dans l'histoire américaine. Ce fut le cas de Ronald Reagan. Il est probable que ce sera celui de George W. Bush. Non pas que celui-ci ne se soit pas investi dans les affaires internationales pendant son premier mandat. Vu d'Europe, avec deux guerres, il paraît s'y être largement consacré. Cependant, ce sont les attentats du 11 Septembre qui l'ont contraint à s'éloigner de la mise en œuvre exclusive de son programme intérieur et, pour la majorité des Américains, la " guerre contre la terreur " et les deux interventions extérieures qui ont suivi ne sont pas séparables de la réaction aux événements de 2001, qui ont frappé l'Amérique au cœur. Les orientations du second mandat sont d'ores et déjà plus assimilables à la politique étrangère au sens classique du terme.
Politiques intérieure et extérieure dans le second mandat
De ce point de vue, la nomination de Mme Rice, une proche du président, à la tête de la diplomatie américaine constitue un signe de l'intérêt que ce dernier ne manquera pas de porter aux affaires internationales. On a également remarqué que
son discours d'investiture, prononcé à la Maison-Blanche le 20 janvier 2005, a fait une large place au rôle de l'Amérique dans le monde. Les profondes divergences entre les principaux responsables de la politique étrangère américaine, qui avaient fait de la première Administration G. W. Bush la plus divisée sur ces questions depuis la première Administration Reagan, se sont apparemment évanouies. Tous semblent se retrouver dans l'appel à la démocratisation du monde lancé par le président le 20 janvier 2005. Encore faut-il rester prudent : les capacités manœuvrières du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld sont connues et, bien que la gestion calamiteuse de la guerre contre l'Irak l'ait affaibli, il n'en demeure pas moins puissant et soutenu par une droite républicaine …